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Soupçons de corruption en Afrique: la société Bourbon au tribunal

La découverte en 2012 à l'aéroport de Marseille d'une valise contenant 250.000 dollars et appartenant au directeur fiscal du groupe Bourbon avait fait naître des soupçons sur un vaste système de corruption d'agents du fisc africains. La société de services pétroliers et huit de ses dirigeants sont jugés à partir de lundi.

De retour d'un voyage d'affaires au Nigeria le 19 octobre 2012, Marc Cherqui, directeur fiscal du groupe Bourbon spécialisé dans les services maritimes à l'industrie pétrolière et coté en Bourse, atterrit à l'aéroport de Marseille-Marignane, la société ayant son siège à Marseille. Mais il ne peut récupérer son bagage dont il s'empresse de déclarer la perte. Et pour cause, la valise qui a été retrouvée et a été confiée aux Douanes, contient, rangés en liasses de 100 dollars, quelque 250.000 dollars.

Une enquête est lancée. Elle aboutit au renvoi devant le tribunal correctionnel de Marseille pour corruption active d'agents publics étrangers, de Bourbon en tant que personne morale, de son directeur général de l'époque Christian Lefevre et de ses directeurs délégués Gaël Bodenes, aujourd'hui directeur général, et Laurent Renard. Cinq autres ex-cadres comparaîtront à leur côté pour complicité de corruption dans ce procès prévu jusqu'au 27 mars.

Selon l'accusation, les investigations ont révélé "une volonté assumée" du groupe au 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires et "qui ne paie aucun impôt en France, de se soustraire au paiement des impôts légitimement dus", en l'occurrence au Nigeria, en Guinée-équatoriale et au Cameroun, en soudoyant des agents de recouvrement en cas de redressement, pour un montant total estimé d'environ 3,2 millions de dollars.

Après avoir dit dans un premier temps ignorer la présence de l'argent dans sa valise, puis évoqué des problèmes financiers liés à son divorce, le directeur fiscal, licencié depuis, a finalement expliqué aux enquêteurs s'être déplacé à Lagos pour trouver un accord "transactionnel" à la suite d'un contrôle fiscal déclenché contre sa société.

- "Cadeaux à l'africaine" -

Selon M. Cherqui qui assure avoir prévenu sa direction, le fisc nigérian réclamait 227 millions de dollars d'amendes à Bourbon pour fraude fiscale et aurait accepté de ramener cette somme à 4 millions après le versement de 2,7 millions de dollars de pots-de-vin à des fonctionnaires. Les 250.000 dollars retrouvés dans la valise représentaient "le reliquat de l'opération de corruption".

Lors de ses auditions, le directeur fiscal raconte avoir découvert dès son embauche un "désordre innommable et des fraudes dans tous les domaines". "Il ne s'agissait pas d'incompétence" mais "d'un système organisé visant à payer le moins d'impôts possible en France et à l'étranger", explique-t-il. "Un risque" fiscal à propos duquel il dit avoir alerté par mail ses supérieurs.

Un ancien directeur fiscal du groupe décrit lui aussi un processus consistant à diminuer le montant de "l'ardoise" après discussion avec des acteurs locaux, en échange de cadeaux "à l'africaine".

"Il n'y a pas d'argent sorti de Bourbon ni d'aucune de ses filiales. L'enquête n'a jamais identifié les agents qui auraient touché cet argent et d'où il proviendrait", assure l'avocat de Bourbon, Me Ludovic Malgrain. "Il y a sûrement eu des manquements dans le contrôle de ce M. Cherqui", concède l'avocat mais ce dernier a agi "pour son compte personnel", affirme encore Me Malgrain.

Pour l'entreprise aux 8.400 employés, durement touchée par la chute des cours du pétrole il y a quatre ans, le procès "tombe au plus mal" et pourrait mettre à mal ses relations avec ses partenaires internationaux, reconnaît l'avocat.

Le groupe aux 29 filiales opérant dans 45 pays a annoncé en février un nouveau plan stratégique après avoir déjà entrepris une réduction de ses coûts et un réaménagement de sa dette.

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