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Tati: un an après la reprise par Gifi, des salariés toujours inquiets

La bataille entre repreneurs avait gagné même les rangs des employés. Un an après, les salariés de Tati, finalement passés dans le giron de Gifi, restent inquiets et la déception est palpable, y compris parmi ceux qui avaient milité pour lui.

Tee-shirts siglés Gifi et panneaux "tous avec Gifi" avaient fleuri devant le tribunal de commerce de Bobigny au printemps 2017, à l'initiative des syndicats CFDT et Unsa. Du "jamais vu" pour une responsable syndicale coutumière des procédures de redressement.

Propriété du groupe Eram depuis 2004, l'enseigne au vichy rose, en difficulté, avait été mise en vente en mars puis placée en redressement judiciaire. Avec les autres enseignes de l'entité Agora Distribution, c'est l'avenir de quelque 1.700 employés au total et 140 magasins qui était en jeu.

Deux offres principales se faisaient face: celle portée par le groupe GPG de Philippe Ginestet, fondateur des magasins Gifi, et celle émanant d'un consortium de cinq enseignes à bas prix. Une concurrence qui avait viré à une rude bataille entre les candidats, à coups de renchérissements de leur offre.

GPG l'avait finalement emporté. A la clé, la reprise de 109 magasins et 1.428 salariés, ainsi que le maintien de l'enseigne Tati. Une satisfaction pour la CFTC, la CFDT et l'Unsa qui avaient soutenu cette offre, "la plus pérenne pour les salariés et la préservation de l'emploi".

Pourtant, malgré le soulagement ressenti à l'époque, l'inquiétude reste perceptible un an après, au moins dans les magasins, selon des salariés et représentants syndicaux. Nombreux départs via des ruptures conventionnelles, manque de dialogue, conditions de travail dégradées, avantages sociaux supprimés... "Il n'y a pas un salarié qui ne soit pas déçu" alors qu'"on a tout fait" pour que Gifi l'emporte, relève une représentante de la CFTC.

C'est "une catastrophe", renchérit une employée d'un point de vente de Seine-Saint-Denis. "Pourtant j'avais voté pour eux". Elle décrit, comme d'autres, des responsables qui "parlent très mal aux employés", "une surcharge de travail" qui s'explique notamment par la baisse des effectifs. "Les employés doivent faire même le ménage", depuis la dénonciation du contrat du prestataire, ajoute-t-elle.

- "poussés à bout" -

La représentante de la CFTC évoque aussi des caméras installées dans les points de vente "pour regarder les méthodes de travail" des employés.

Dans le fief historique de Tati, quartier Barbès à Paris, même écho. "Un paquet de personnes sont parties. Soit les gens sont poussés à bout, soit on leur trouve des fautes" pour les licencier, dit Nicole Coger, représentante CGT. "Rien qu'à Barbès, on est passé de plus de 80 salariés à à peine 60", souligne-t-elle.

Mais, faute d'instances représentatives - les élections professionnelles n'ont pas encore été organisées chez Tati Mag, la nouvelle société qui regroupe les magasins -, "on ne peut pas" faire un bilan global des départs, explique-t-elle.

Le projet validé en 2017 prévoyait la garantie des emplois pendant deux ans. Aujourd'hui, des craintes s'expriment sur "l'après", le chiffre d'affaires n'étant "pas au rendez-vous".

Tahar Benslimani, représentant CFDT côté entrepôts, est lui plutôt optimiste. "On vient de recevoir des machines toute neuves" pour charger et décharger les palettes, dit-il. "Pour moi c'est un gage. On n'investit pas si on n'est pas sûr de rester".

S'il convient qu'il "reste une inquiétude" chez les salariés, Philippe Ginestet se veut confiant et souligne qu'il "n'est pas prévu de départs" cette année, "à part pour les personnes qui n'adhéreraient pas à ce qu'on pourrait leur demander".

Il prévoit "une reprise de 10%" du chiffre d'affaires en 2019, après des résultats "pas bons" depuis un an, avec "jusqu'à 20 à 25%" de perte. "On a trouvé une enseigne dans un état pire que ce que l'on avait pu imaginer", souligne-t-il. Mais aussi des équipes "qui avaient une envie, celle de sauver leur entreprise".

"Moi qui m'attache beaucoup à l'humain, j'ai commencé par visiter l'ensemble des magasins", dit M. Ginestet, qui avait mis en avant une image de patron accessible au printemps dernier. Mais "on ne le voit pas du tout", regrette la représentante CFTC.

Elle voudrait "lui dire" directement le "mal-être" des salariés. "Qu'il entende notre cri d'alarme".

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