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"Veut-on encore des paysans?" Les éleveurs dubitatifs devant Macron

Christelle Proust, éleveuse de Limousines dans la Creuse, a été "surprise" de voir débarquer Emmanuel Macron au milieu des vaches, vendredi matin au Sommet de l’Élevage, comme beaucoup des milliers d'éleveurs présents à Cournon d'Auvergne, près de Clermont-Ferrand.

Dans les allées de l'immense exposition agricole, l'une des plus importantes du genre en Europe,, beaucoup se demandent: "Veut-on encore des paysans en France ?".

"Attention à ne pas détruite l'agriculture française!", lui a lancé dès son arrivée Nicolas Merle, président des Jeunes Agriculteurs en Rhöne-Alpes Auvergne, pour lequel "les agriculteurs veulent bien s'adapter mais pas du jour au lendemain".

Christophe Fontes, venu de Castres, "a le moral à zéro et n'attend pas grand chose" de la visite présidentielle.

Pêle-mêle, au passage du président, les éleveurs déballent leurs problèmes: sécheresse, prix trop bas des produits, charges sociales et environnementales trop élevées, retraites trop basses, concurrence faussée.

"Le moral est à zéro avec le Ceta (l'accord de libre-échange signé entre l'Union européenne et le Canada, NDLR). On doit se débrouiller nous-mêmes, on ne compte pas sur le président. Il faudrait augmenter le prix de la viande de 50 centimes à un euro le kilo pour qu'on s'en sorte", estime M. Fontes qui élève des Blondes d'Aquitaine, la race à l'honneur cette année au salon.

"Mon fils a 20 ans, il veut être agriculteur mais ça fait peur, notre niveau de vie baisse, les charges augmentent", souligne Christelle. "Les Parisiens nous disent que le prix de la viande augmente, mais pour nous il baisse, alors il y en a bien qui font des marges".

Certains invectivent le président au passage "On vit en dessous du seuil de pauvreté monsieur Macron, c'est honteux!" lui lance l'un d'eux tandis qu'il enchaîne les selfies avec d'autres et prend le temps de répondre à chacun.

A Cournon, même les plus libéraux des éleveurs, favorables au commerce international, se sentent piégés par la mondialisation, qu'ils nomment "distorsion de concurrence". La sécheresse de l'été s'ajoute aux attaques des ONG sur leurs pratiques (utilisation de produits phytosanitaires, d'eau, bien-être animal).

"J'ai l'impression d'être le premier délinquant de France alors que mon métier c'est de produire à manger", se désole Nicolas Maupu qui a prévu de s'installer comme agriculteur et est venu faire part au président de son hésitation entre le Bio ou le conventionnel.

- Vaches évacuées d'urgence -

Avec l'accord commercial Ceta, ils redoutent également de voir arriver en France des milliers de tonnes de viande canadienne, issue de bétail et de cultures bénéficiant de produits interdits dans l'UE, comme l'atrazine ou les insecticides néonicotinoïdes, ou nourries aux farines animales, indique Patrick Benezit du syndicat majoritaire FNSEA.

Delphine Freyssinier, éleveuse de vaches Salers dans les Monts du Cantal, ne sait même pas comment elle va payer le foin qu'elle devra acheter pour ses animaux cet hiver. "Soit un emprunt à court terme, soit je vends des vaches" dit-elle.

Isabelle et Anais Falvet, mère et fille associées dans une exploitation lait et viande dans le Cantal, ont pu parler au président qui a multiplié les signes d'affection et les clins d'oeil à l'adresse des éleveurs: assister au concours national de la race Salers, porter le badge "j'aime les blondes" offert par le syndicat de la race Blonde d'Aquitaine.

"Il faut qu'on arrive à vendre nos produits et c'est de plus en plus compliqué", dit Anaïs, 23 ans, sans se laisser distraire.

Pour faire pression sur les pouvoirs publics, la FNSEA a présenté jeudi au salon un agenda "d'actions" culminant mi-novembre avec un grand rassemblement à Strasbourg, et comportant notamment des blocages et des opérations escargot le 8 octobre sur les routes de "toute la France".

Dans les bousculades qui ont entouré la visite présidentielle, des vaches ont dû être évacuées d'urgence, l'une d'elles s'étant blessée au passage de la foule.

Mélanie Capdevielle, 20 ans, n'est pas dupe: "Macron se sent obligé d'être là, il faut qu'il soit au Sommet. Mais on le voit, c'est néfaste, ça perturbe les animaux et sa venue ne va pas faire bouger les choses au final".

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