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Thérapies géniques: jadis pionnière, la France peut-elle rattraper son retard?

La recherche française est souvent aux avant-postes des thérapies géniques, mais ce sont des laboratoires étrangers, notamment américains et suisses, qui règnent aujourd'hui sur ce domaine d'avenir. La France pourrait toutefois encore prendre le train en marche, assurent des experts.

Le sujet est revenu sur la table dans plusieurs médias français début juin après le feu vert commercial accordé aux Etats-Unis au Zolgensma, un traitement de thérapie génique pour des bébés atteints d'une maladie neuromusculaire souvent mortelle, l'amyotrophie spinale de type 1.

Car l'une des technologies clés de ce traitement que va commercialiser le géant pharmaceutique suisse Novartis provient de la recherche du Généthon, le laboratoire de thérapie génique de l'association française AFM-Téléthon, ainsi que du CNRS.

Le Généthon et le CNRS avaient cédé l'an dernier à la biotech américaine AveXis les droits exclusifs mondiaux d'un vecteur viral inventé par leurs équipes, AAV9-SMN, capable d'administrer dans le système nerveux central le gène fonctionnel requis pour traiter cette maladie.

Ces droits ont été cédés pour 15 millions de dollars et des redevances sur les ventes futures du médicament comprises entre 3,75% et 5%.

Ce qui peut paraître dérisoire a posteriori, sachant que Novartis - qui a entre-temps racheté AveXis pour 8,7 milliards de dollars - compte vendre Zolgensma aux Etats-Unis au prix catalogue astronomique de 2,1 millions de dollars par patient. Les analystes anticipent jusqu'à 2 milliards de dollars de ventes annuelles avec ce produit.

Les conditions financières de l'accord de licence avec AveXis étaient "des termes standard" pour ce genre de transaction, plaide Serge Braun, directeur scientifique de l'AFM-Téléthon, interrogé par l'AFP.

Auparavant, les premiers essais cliniques sur ce produit "avaient été menés aux Etats-Unis, car personne en France ne voulait prendre le risque de le tester sur des bébés", précise-t-il.

- Un milieu français en mal de financement -

Si le prix du Zolgensma proposé par Novartis ne cadre guère avec le vœu de l'AFM-Téléthon d'un prix "juste et maîtrisé" des médicaments innovants, les redevances perçues sur ses ventes contribueront au développement du Généthon et de son site industriel, Yposkesi, également implanté au Génopole d'Evry (Essonne), observe-t-il également.

Une autre biotech américaine, bluebird bio, a aussi récemment obtenu une autorisation conditionnelle de mise sur le marché dans l'Union européenne pour Zynteglo, un produit de thérapie génique ciblant la bêta-thalassémie, une maladie rare du sang, développé en collaboration avec l'Inserm notamment.

"La thérapie génique doit beaucoup à la recherche française" depuis les années 1990, mais "on est à la peine en France pour valoriser cette recherche", regrette encore M. Braun.

"Il y a un problème structurel en France comme ailleurs en Europe: nous n'avons pas suffisamment de fonds privés spécialisés dans le financement de l'innovation" dans les sciences de la vie, complète Bernard Gilly, directeur général de Gensight Biologics, biotech parisienne développant des thérapies géniques dans des maladies oculaires.

"En Europe et en France en particulier, on ne voit que les échecs dans les biotechs, ce qui met tout le monde au tapis", déplore aussi Karen Aiach, fondatrice et directrice générale de Lysogene, autre société française de thérapie génique ciblant quant à elle des maladies héréditaires neurodégénératives.

C'est l'enjeu notamment de la première édition des "Healthtech Investor Days", des conférences en forme d'opération séduction pour des investisseurs internationaux organisées lundi et mardi prochain à Paris par l'association France Biotech, en partenariat avec tout l'écosystème français des industries de santé.

L'industrialisation des thérapies géniques peut encore se faire en France, veut croire M. Braun: "si l'on s'en donne les moyens, on a encore une occasion de revenir (dans la course, NDLR) en créant une filière française de la bioproduction" de médicaments.

Car des "innovations de rupture" dans les procédés de fabrication sont nécessaires pour augmenter drastiquement les capacités de production des thérapies géniques, très complexes à élaborer. "Ce serait aussi un moyen de faire baisser leurs prix" à l'avenir, assure-t-il.

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