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Tours jumelles à La Défense: des habitants ne baissent pas pavillon

Ils ne sont plus qu'une poignée à résister: à La Défense, près de Paris, une dizaine d'habitants refusent de quitter leurs logements voués à la destruction pour laisser place à un gigantesque projet controversé de tours jumelles.

Les immeubles, des bâtiments en escalier construits en 1974 et surplombant la Seine à Courbevoie (Hauts-de-Seine), doivent disparaître au profit du projet pharaonique porté par un promoteur immobilier russe, Emin Iskenderov: les tours Hermitage.

Ces deux gratte-ciels d'une hauteur de 320 m doivent être livrés d'ici aux JO-2024 à Paris. Dessinés par l'architecte star Norman Foster, ils offriront résidences de luxe, bureaux et commerces.

Mais depuis 2007 et la signature d'une promesse de vente entre le bailleur social Logis Transports, propriétaire des murs, et la société Hermitage de M. Iskenderov, l'opération s'est enlisée dans une guérilla judiciaire émaillée de dizaines de procédures, dont celles lancées par des habitants de la résidence des Damiers.

Sur les 250 logements, seuls 12 sont encore occupés, selon le bailleur. La plupart des locataires ont accepté les solutions de relogements mais quelques "Gaulois récalcitrants", comme les a surnommés une présidente d'audience, refusent toujours de quitter les lieux.

"Il n'y a pas de raison qu'on parte, je suis absolument en règle, j'ai un bail en bonne et due forme", résume une habitante de 73 ans qui habite son 4 pièces avec terrasse de 100 m2 depuis 1979.

Tatiana Dinulescu, médecin anesthésiste qui a fui la Roumanie de l'ex-dictateur Nicolae Ceausescu, partage la colère de sa voisine. "J'ai été réfugiée politique, déracinée, on a mis du temps à se construire un nouveau foyer alors nous faire ça, c'est inadmissible", s'indigne cette femme qui vit aux Damiers depuis plus de 20 ans.

"Il se trouve que la loi est pour nous, ce ne sont pas des caprices de mes clients, ils demandent simplement le respect de la loi", approuve l'avocate des derniers résidents, Me Armelle de Coulhac-Mazérieux.

- "Sérieux doutes" -

Il était 06H30 le 1er août quand quatre familles ont vu débarquer la police accompagnée d'huissiers. Elles ont dû quitter les lieux séance tenante, sans solution de relogement. Si certains sont chez des amis, d'autres dorment à l'hôtel, à leurs frais.

"On a été traités comme des criminels", raconte l'une des expulsées, qui souhaite garder l'anonymat. Elle a dû quitter son logement en catastrophe, avec son fils de 19 ans. "Je ne pouvais pas faire un pas sans avoir un flic dans mon dos !", s'énerve celle qui a commencé à se battre il y a dix ans pour sauver son logement.

"Ce n'est pas la mission d'un bailleur social d'expulser des gens et de ne pas relouer quand un logement est vide", s'indigne Me de Coulhac-Mazérieux.

"De nombreuses solutions de relogement ont été soumises aux locataires", se défend de son côté la présidente de Logis Transports, Sylvie Vandenberghe. La vente des Damiers doit en outre permettre "le financement de 1.000 logements sociaux, dont 500 dans les Hauts-de-Seine", ajoute-t-elle.

Hermitage, qui attend que les logements soient vides pour payer la note, espère que la situation sera réglée d'ici la fin de l'été. Son président Emin Iskenderov a promis de présenter les partenaires financiers du projet ainsi que le calendrier des travaux à la rentrée.

En attendant, le projet évalué à 2,8 milliards d'euros laisse de nombreux observateurs perplexes.

Dans un entretien aux Echos fin juin, le patron de Paris-La Défense Patrick Devedjian a émis "de sérieux doutes sur la capacité du groupe à financer et réaliser un projet aussi ambitieux".

L'établissement public attend toujours un versement de 30 millions d'euros de la part d'Hermitage pour compenser une immobilisation du terrain d'une durée anormalement longue.

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