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Trois mois de grève pour des postiers des Hauts-de-Seine en pleine "perte de sens"

Trois mois de grève, des centaines de milliers de courriers en souffrance et pas d'issue en vue: à La Poste des Hauts-de-Seine, une partie des facteurs s'opposent au licenciement d'un syndicaliste et dénoncent leurs conditions de travail.

Pour Jawed, un postier en grève, "c'est ce qui a mis le feu aux poudres": fin mars, le ministère du Travail autorise le licenciement pour faute grave de Gaël Quirante, secrétaire du syndicat Sud Poste dans le département, contre l'avis de l'inspection du travail.

A l'issue d'une procédure tortueuse, il est licencié sur la base d'une condamnation à 1.500 euros d'amende avec sursis pour séquestration de cadres de La Poste en 2010, lors d'une grève qui avait duré plus de deux mois.

Sud dénonce un cas de discrimination syndicale: le 26 mars, un préavis de grève reconductible est déposé.

"Mais une fois que le feu est parti, on a commencé à faire valoir nos conditions de travail, qui sont fortement dégradées", poursuit Jawed.

Boulogne-Billancourt, Neuilly, Asnières, Gennevilliers, Levallois: depuis trois mois, selon le syndicat, 20% des postiers du département sont en grève, soit environ 150 - jusqu'à 350 certains jours. La direction Services–Courrier-Colis du département parle, elle, de 5% des effectifs en moyenne.

"Explosion de l'intérim", "intensification du rythme de travail", "perte de sens": c'est aussi l'évolution de La Poste que les grévistes remettent en cause.

"C'est la disparition totale du métier de facteur comme on le faisait avant", assure Roseline, postière à Neuilly, qui regrette que "le lien social, ce pourquoi le facteur était reconnu", soit dorénavant "utilisé à des fins mercantiles".

Face à la baisse du volume de courrier concurrencé par internet, La Poste a réorganisé ses services depuis plusieurs années avec une baisse des effectifs et la diversification de ses services.

Fin mai, les postiers d'un bureau rennais, qui s'opposaient eux aussi à la réorganisation de leur journée, ont repris le travail après 132 jours de grève.

- Appel à une médiation -

"Avant, on n'était pas beaucoup payé, mais on avait du temps pour soi et les autres. On avait une tâche, ça avait du sens. Aujourd'hui, on devient des agents d'une entreprise de logistique, des distributeurs universels, un couteau-suisse", estime Xavier Charielli, secrétaire départemental adjoint chez Sud.

Depuis trois mois, une caisse de grève a été mise en place. Le mouvement a aussi un impact sur la distribution du courrier: de source syndicale, 50.000 recommandés et près d'un million de courriers ont été en souffrance au plus fort du conflit.

Côté direction, on ne donne pas de chiffres mais on précise que les retards ne concernent que le courrier aux particuliers. Des renforts ont été mis en place et une "cellule d'appels spécialement créée".

"Amendes majorées", "convocations" ou "résultats médicaux" qui n'arrivent pas à temps: "au moins 600.000 plis" ont été retardés, selon la sénatrice LR des Hauts-de-Seine Christine Lavarde, qui a déposé une proposition de loi pour un "service minimum postal", soutenue par le maire de Boulogne.

Les députés LREM du 92 ont demandé le rétablissement du "fonctionnement normal" du "service public postal" et, de leur côté, une cinquantaine d'élus de gauche ont appelé à une médiation dans le conflit - médiation réclamée par les grévistes.

Car, après trois mois de grève, les négociations sont au point mort. Sud dénonce des interventions policières contre les grévistes et des "violences physiques de la part de cadres".

La direction, elle, "déplore des intrusions quasi quotidiennes des grévistes dans des établissements" et dit "prendre les mesures nécessaires pour veiller à la sécurité du personnel, protéger les locaux et assurer la meilleure continuité de service possible".

Elle affirme aussi avoir fait "16 propositions de rencontres aux grévistes et à leurs représentants, qui se sont présentés seulement à quatre reprises".

Les revendications des grévistes "peuvent faire l'objet d'un compromis" mais la direction ne fait "aucune contre-proposition" et joue "le pourrissement" du mouvement, réplique Gaël Quirante, qui conteste à nouveau son licenciement en justice.

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