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Trottinettes électriques: un développement "anarchique" à hauts risques

Danger physique, casse-tête juridique, cohabitation "anarchique": avec l'essor des systèmes de location en libre-service, les trottinettes ont envahi les rues et les trottoirs des villes, obligeant les autorités à trouver des solutions pour encadrer cette pratique.

Une trottinette fauchée par une voiture lancée à 50km/h, l'engin plié en deux, guidon cassé, et un corps qui rebondit sur le pare-brise pour atterrir 17 mètres plus loin. L'accident a lieu sur un parking parisien et le corps est un mannequin: le "crash test", organisée par l'assureur MMA pour sensibiliser les usagers de ce mode de déplacement, est impressionnant.

"Il y a une certaine naïveté autour de l'usage des trottinettes électriques, les utilisateurs n'ont pas conscience de leur vulnérabilité", explique Cécile Lechère, en charge de la prévention des risques routiers chez MMA, qui s'alarme de l'expansion "anarchique" de ces engins.

Depuis quelques mois, la pratique se généralise dans plusieurs villes de France, avec des pilotes de tous âges, même si la location en libre-service est théoriquement interdite aux moins de 18 ans. Rares sont ceux qui portent un casque, certains se déplacent à deux sur un engin et, faute de réglementation, ils se mêlent aussi bien aux piétons sur les trottoirs qu'au flot des voitures et scooters sur la chaussée.

La Sécurité routière faisait état de 284 blessés et 5 tués à trottinettes ou à rollers en 2017, les données les plus récentes disponibles, soit avant l'arrivée des opérateurs en libre-service.

"Aujourd'hui, il y a entre 10.000 et 15.000 trottinettes en libre-service à Paris, on va dépasser les 25.000 en mai", souligne Aymeric Weyland, expert en mobilité qui travaille avec la mairie de Paris.

"On s'expose à une forte hausse des accidents impliquant ces engins", met en garde Cécile Lechère: "Les services hospitaliers alertent et constatent une hausse des admissions liées aux accidents de trottinettes". Les blessures, souvent légères (entorses, poignets cassés...) peuvent aller jusqu'au traumatisme crânien.

- Réglementation à l'été -

"L'augmentation des accidents liée aux trottinettes électriques est inévitable, puisque c'est une pratique qui se développe", remarque Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, qui souligne "beaucoup d'imprudence" dans la conduite de ces engins, "avec notamment la conduite avec des écouteurs."

Certains usagers eux-mêmes enfourchent la trottinette avec appréhension. "Je ne me sens pas vraiment en sécurité sur une trottinette", témoigne Ali, 23 ans, qui utilise ponctuellement ces engins. Il dit avoir souvent "peur de percuter un piéton ou un vélo" et évite de se retrouver au milieu des voitures.

A cette vulnérabilité s'ajoute un flou autour des contrats d'assurance.

Ainsi, les conditions d'utilisation des trottinettes électriques de la plupart de la dizaine d'opérateurs de location à Paris comportent des clauses de "décharge de responsabilité et d'acceptation des risques". Concrètement, les utilisateurs roulent à leurs risques et périls.

Une simple assurance de responsabilité civile peut ne pas suffir: "Dès lors qu'il s'agit d'un engin à moteur, il faut une assurance véhicule comme pour une voiture ou un scooter", explique à l'AFP l'avocat Michel Benezra.

"Il ne s'agit pas d'assurer uniquement le conducteur mais aussi les dégâts qu'il pourrait causer", ajoute-t-il: "Cela peut coûter très cher à l'usager. Par exemple, l'indemnisation d'un piéton percuté qui devient tétraplégique se compte en millions d'euros".

Certains loueurs y remédient partiellement, comme la compagnie Bolt qui assure les blessures des usagers mais pas les dommages causés aux tiers. L'opérateur Voi affirme assurer les dégâts matériels et corporels causés par l'utilisateur, même si cela ne figure pas dans ses conditions d'utilisation.

Une réglementation "alignée sur celle des vélos" devrait voir le jour cet été via une modification du code de la route pour donner un statut à ces nouveaux engins de déplacement personnel (EDP), selon Emmanuel Barbe.

En attendant le vote de la loi d'orientation des mobilités, certaines municipalités, comme Paris ont pris les devants et déjà interdit la circulation des trottinettes sur les trottoirs.

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