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Un coq au tribunal? Plus jamais ça, dit un maire de Gironde

Le maire de Gajac, en Gironde, lance un cocorico d'alerte: dépité de voir des ruraux traînés en justice pour le braiment des ânes, le meuglement des vaches ou le chant du coq, il veut faire classer les bruits de la campagne au "patrimoine national".

Illustration : le coq Maurice est le sujet d'un litige entre sa propriétaire et des voisins, qui lui reprochent de chanter de trop bon matin. Une affaire que la justice doit examiner jeudi à Rochefort (Charente-Maritime), en l'absence du gallinacé, "fatigué" et "traumatisé" selon sa propriétaire.

C'est ce type de contentieux pour troubles du voisinage qui fait déchanter Bruno Dionis du Séjour. L'édile de Gajac, 400 habitants, a profité du "grand débat national" pour publier une lettre ouverte défendant les bruits de la campagne, que certaines personnes, "d'origine urbaine pour la plupart", "découvrent comme le sot découvre que les œufs ne se cueillent pas sur les arbres".

Son but ? Que le coq chante, la cloche de l'église résonne, le chien aboie et l'oiseau pépie en toute liberté : "Sans qu'aucun procès ne puisse à compter de ce jour leur être intenté".

"Dès que vous attaquez les cloches, vous attaquez tout un village", tranche le maire. Selon lui, "c'est une humiliation pour le campagnard de passer en justice à cause de quelqu'un qui vient de l'extérieur. Moi quand je vais en ville, je ne demande pas qu'on enlève les feux rouges et les voitures..."

"J'ai été éleveur pendant 40 ans et je supporte mal qu'il y ait des procès contre les agriculteurs, qui entretiennent l'espace paysager français", dit le septuagénaire. "Je ne vois pas l'intérêt de leur reprocher que leurs vaches meuglent trop".

"Et les grenouilles, pourquoi croassent-elles ? Pour se reproduire! Tout le monde est pour la biodiversité et les animaux n'auraient pas le droit de se reproduire tranquillement..." En 2016 pourtant, un couple de Périgourdins s'était vu condamné à combler sa mare après avoir été assigné en justice par des voisins.

- Demain les mouettes ? -

L'initiative de M. Dionis du Séjour, reprise par tous les médias, a vite fait grand bruit. En quatre jours, plus de 150 courriels de soutien sont parvenus à la commune, de partout en France. Même si l'édile ne sait pas exactement comment un tel "patrimoine national" pourrait être constitué légalement.

Pierre Morel-à-L'Huissier, député d'un des départements les plus ruraux de France, la Lozère, va creuser le sujet: "Je regarde ce qu'on peut demander au ministère de la Culture en la matière et, si les procédures législatives ou réglementaires en vigueur ne sont pas suffisantes, je proposerai une extension juridique" en ce sens. Pour lui, ces bruits sont "un cadencement de la vie".

"La ruralité, c'est 365 jours sur 365, des gens y vivent et essaient de gagner leur vie", dit le député à l'AFP. "Ce qui est insupportable c'est que des personnes qui n'en sont pas originaires veulent imposer leur conception au détriment de la vie rurale".

Ayant eu vent des mésaventures judiciaires de Maurice, le maire de Gajac a envoyé sa lettre ouverte à Corinne Fesseau, la propriétaire de ce gallinacé de Saint-Pierre d'Oléron dont les cocoricos dès 06h30 agacent les propriétaires d'une résidence secondaire voisine.

"Ce sont les seuls voisins que ça gène", assure à l'AFP l'avocat de Mme Fesseau, Julien Papineau. "Un voisin a un enfant de 4 ans qui a sa chambre du côté du coq et ça le gène pas. Ce sont juste des gens qui ne supportent pas grand chose".

Le maire de Saint-Pierre d'Oléron a voulu donner un coup de pouce à Mme Fesseau en prenant un arrêté pour préserver "les modes de vie liés à la campagne notamment pour ce qui concerne la présence des animaux de la ferme", en s'appuyant sur le caractère à "dominante rurale" de l'île.

"Aujourd'hui c'est un coq, demain ce sera quoi ?", s'interroge Christophe Sueur, le maire de Saint-Pierre, "Les mouettes, le bruit du vent, notre accent !?"

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