Accueil Actu

Un job de serveur au coin de la rue à Paris? Pas si simple, selon les restaurateurs

Traverser la rue pour se faire embaucher comme serveur à Paris? Pas si simple, répondent des professionnels de l'hôtellerie et de la restauration après les déclarations d'Emmanuel Macron sur la pénurie de main d'œuvre dans le secteur.

On ne s'improvise pas serveur, expliquent ces professionnels après que le chef de l'Etat eut assuré samedi à un horticulteur qu'il suffisait de "traverser la rue" pour trouver un emploi dans le secteur.

Trouver un candidat faisant preuve d'empathie et ayant un sens de l'accueil du client, en plus d'une bonne maîtrise de l'anglais, "sans formation, c'est compliqué", estime Alain Fontaine, patron du restaurant Le Mesturet dans le IIe arrondissement de Paris.

Emmanuel Macron "dit cela sans se rendre compte que notre métier - je vais prendre l'exemple de la salle - est un métier de spécialisation", dit M. Fontaine, qui est également le patron de la commission des maîtres-restaurateurs de l'organisation professionnelle Synhorcat.

Gilet noir, foulard et tablier rouge, José Vicente, 30 ans de métier, s'affaire entre les tables du Kibaloma, un café-restaurant de Montparnasse. "Dans l’absolu, on a tous besoin (d'embaucher). Mais il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver", explique t-il.

"On donne leur chance aux débutants, aux apprentis, mais il ne faut pas être idiot et savoir se mettre directement dans le bain". Autre problème, la fuite de jeunes talents pour poursuivre des contrats à l'étranger.

"La formation en cuisine et en salle en France, on peut le dire sans prétention, c'est la meilleure du monde. Seulement, l'étranger pompe. Le nombre de Français qui travaillent à l'étranger dans la restauration est très important", selon le patron du Mesturet.

- "On fait l'autruche" -

Pour que le recrutement soit plus facile et que les salariés restent plus longtemps, il faudrait "qu'il y ait de bonnes conditions de travail, que les horaires soient respectés, que les heures supplémentaires soient payées", rétorque Didier Del Rey, référent pour les hôtels-cafés-restaurants parisiens de l'Union syndicale CGT.

Samedi, Emmanuel Macron avait réagi de façon très directe à la plainte de l'horticulteur, sans emploi malgré ses nombreuses candidatures.

"Il n'y a pas un endroit où je vais où ils ne me disent pas qu'ils cherchent des gens. Pas un! Hôtels, cafés, restaurants, je traverse la rue, je vous en trouve !", a-t-il affirmé, conseillant à un jeune horticulteur de démarcher dans le quartier de Montparnasse et ses nombreux cafés et restaurants.

Entre les horaires décalés, la pénibilité du métier et les charges sociales qui pèsent sur les patrons des établissements, les recrutements pérennes se font rares.

Selon l'Umih, principale organisation du secteur hôtellerie-restauration en France, 20.000 postes ont été créés depuis le début de l’année dans le secteur mais entre 50.000 et 100.000 postes ne sont pas pourvus.

"Les professionnels sont partout en demande de personnels motivés", ajoute Roland Héguy, président de l'union professionnelle. La pénurie se retrouve également chez les apprentis.

Selon une enquête du Ministère du travail de 2017, l'hôtellerie-restauration a accusé le plus fort taux d'abandon d'apprentis durant l'année 2014-2015 à 38,3%, suivie loin derrière par le secteur du bâtiment à 25,6% d'abandons.

Au Mesturet, le patron explique avoir renoncé à ouvrir trois week-ends de l'été pour ne pas avoir à rémunérer ses employés en heures supplémentaires, faute d'effectifs pour les remplacer.

"Si j'avais dû ouvrir, j'aurais sorti 18.000 euros rien qu'en charges sociales, cela me laissait 12.000 euros pour acheter mes marchandises et payer les heures supplémentaires à mes employés. Au final, le calcul était fait, c'était plus intéressant que je ferme", conclut-il.

Le patron d'établissement en est convaincu, pour rendre l'environnement de travail et les salaires plus attractifs, des mesures doivent être prises par l'Etat afin de compenser la pénibilité du travail et les horaires décalés.

"Faut-il que le SMIC supporte encore les charges sociales et patronales? (...) Faut-il défiscaliser les heures supplémentaires? Il faut se poser la question. (...) La société change et nous on fait l'autruche, on ne fait rien."

mja-bur/ef/camrestaurants

À lire aussi

Sélectionné pour vous