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Vic Bencomo, voix dissonante chez les propriétaires d'armes américains

Ancien militaire, Vic Bencomo est très habile dans le maniement des armes. Fan de chasse, il a appris à ses fils à s'en servir dès leurs 5 ans et, ensemble, ils traquent biches et faisans dans le grand Ouest américain.

Depuis quelques mois, une nouvelle activité s'est inscrite à son agenda: ce propriétaire d'armes milite en faveur de régulations renforcées aux Etats-Unis, où les balles ont emporté près de 40.000 vies en 2017.

"J'étais là, assis, à regarder les atrocités commises chaque jour. A un moment, il y a eu un tournant, j'ai décidé de ne plus être seulement un critique sur canapé et de faire quelque chose", confie-t-il à l'AFP.

Son déclic ? Le suicide d'anciens "frères d'armes" qui, rentrés du front, ont eu du mal à gérer le retour à la vie civile.

Entre 2008 et 2016, près de 6.000 anciens combattants ont mis fin à leurs jours chaque année aux Etats-Unis, souvent grâce à des armes dont l'accès est très facile dans le pays.

"Si on avait de meilleures lois, ça pourrait aider à sauver des vies", souligne Vic Bencomo.

En janvier, cet homme de 45 ans a donc participé à la création d'une association atypique, "les propriétaires d'armes du Colorado pour la sécurité", avec le soutien de l'ancienne parlementaire démocrate Gabby Giffords, blessée dans une fusillade en 2011, et de son influente organisation.

Depuis janvier, des groupes similaires ont ouvert dans le Minnesota et au Texas. Avec 180 membres environ, leur poids reste marginal dans un pays où 30% des adultes possèdent au moins une arme.

- "En étau" -

"Chaque jour", le nouveau militant essuie d'ailleurs de féroces critiques de la part d'autres propriétaires d'armes. Un groupuscule non identifié à même créé une fausse page Facebook au nom de son association pour la décrédibiliser.

"Ils me disent que j'empiète sur le deuxième amendement" de la Constitution, explique l'ancien soldat de la Navy, reconverti dans l'informatique.

Lui aussi soutient cet amendement qui mentionne "le droit du peuple à porter des armes". Mais la NRA, le puissant lobby des armes "a corrompu son interprétation", estime-t-il. "Il tient le pays en étau depuis 20 ans et a changé le récit sur ce que les pères fondateurs avaient en tête quand ils ont rédigé" la Constitution, avance-t-il.

Vic Bencomo prône un équilibre entre les positions de la National Riffle Association et celles des progressistes. "S'il n'y a pas de modéré, comme moi, entre eux, le balancier pourrait finir par aller trop à gauche et on verrait des lois plus extrêmes défavorables aux chasseurs et aux propriétaires d'armes".

- "Champ de bataille" -

Ce "risque" paraît assez hypothétique: malgré la répétition des carnages, et les appels à agir, aucune réforme significative n'a été adoptée au Congrès ces dernières années en raison de l'emprise exercée par la NRA sur de nombreux élus.

Aujourd'hui, le lobby qui a l'oreille du président Donald Trump lutte contre des propositions de loi portées par les démocrates, qui visent à renforcer les vérifications des antécédents des acheteurs et à permettre la confiscation des armes de personnes signalées dangereuses.

Cette semaine, Vic Bencomo a traversé le pays pour soutenir, au Congrès, ces réformes qui, selon les sondages, sont souhaitées par une large majorité des Américains, y compris parmi les propriétaires d'armes.

En revanche ces derniers sont à 57% contre l'interdiction des fusils d'assaut, tels que ceux utilisés par les auteurs des fusillades meurtrières de l'été à El Paso (22 morts), Dayton (neuf morts) et Odessa (sept morts).

"Les AR-15 ou n'importe quel autre type de fusils d'assaut ne devraient exister que dans un seul contexte: le champ de bataille, ils n'ont rien à faire dans les rues américaines", estime pour sa part Vic Bencomo.

Pour autant, il ne veut pas "se débarrasser des armes" à feu traditionnelles. Pour lui, elles font autant partie de la culture américaine que "l'American Pie", la célèbre tarte aux pommes emblématique du pays.

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