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Y a-t-il eu "défaut d'information" sur le Levothyrox ? Débat lundi au civil

Le Levothyrox, médicament de l'Allemand Merck, sera lundi au coeur d'un procès hors normes intenté au civil par 4.113 plaignants qui accusent le groupe allemand d'un "défaut d'information" sur une nouvelle formule ayant selon eux causé de nombreux effets indésirables.

Mise sur le marché au printemps 2017, une nouvelle formule du Levothyrox, prescrit contre l'hypothyroïdie et fabriqué par le laboratoire Merck Serono, filiale du groupe allemand, est incriminée par quelque 31.000 patients victimes d'effets secondaires (fatigue, maux de tête, insomnies, vertiges, etc...).

L'affaire fait l'objet de plusieurs procédures, dont une information judiciaire contre X instruite par le pôle santé du TGI de Marseille et cette action civile à Lyon, siège de Merck, lancée le 24 octobre pour "défaut d'information" et "préjudice d'angoisse".

"Merck a-t-il manqué à son devoir d'information ? Non, nous sommes catégoriques", a martelé à l'AFP le directeur juridique du groupe pharmaceutique Florent Bensadoun, affirmant qu'un plan de communication "extrêmement large" avait consisté à envoyer "300.000 communications par courrier, fax et mail, auprès de 100.000 professionnels de santé" au moment du lancement en France de la nouvelle formule.

"En tant qu'entreprise du médicament, Merck n'a pas le droit de communiquer directement auprès des patients, c'est la loi", a encore rappelé M. Bensadoun.

Face à Merck lundi, 4.113 patients. Dont près de 300 sont attendus à l'audience qui se tiendra dans une salle spécialement louée pour l'occasion à Villeurbanne, près de Lyon.

Si l'Agence du médicament (ANSM) a établi que les effets indésirables ont été dus à "un déséquilibre thyroïdien" causé par le changement de traitement et non à la nouvelle formule, l'avocat des plaignants, Me Christophe Lèguevaques, estime que "le Levothyrox est un médicament avec une marge thérapeutique étroite, c'est-à-dire que tout changement a des répercussions et cette donnée scientifique est connue de Merck".

"Quand le risque s'est réalisé, les patients se sont demandé ce qui leur arrivait entre mars et octobre" 2017, soit entre l'arrivée sur le marché de la nouvelle formule et le retour partiel dans les pharmacies de l'ancienne formule sous le nom d'Euthyrox.

"Tout ça parce que Merck a voulu faire des économies sur l'information des patients", a encore fustigé l'avocat, qui réclame une indemnité forfaitaire de 10.000 euros pour chaque plaignant, considérant que le "préjudice moral est le même pour tout le monde".

- "J'ai cru à un cancer" -

Pour Aude, 32 ans, qui souffre d'une maladie auto-immune qui a conduit à l'ablation de sa thyroïde à 19 ans, l'arrivée de la nouvelle formule de ce médicament "vital" a coïncidé avec une période où elle se trouvait à l'étranger.

A son retour en France, elle a ressenti des "malaises tous les matins, une fatigue importante et la perte de ses cheveux". "J'ai cru à un cancer, j'étais dans un état psychologique vraiment pas bon. J'ai fait des examens et ma TSH (hormone qui régule la sécrétion des hormones thyroïdiennes, ndlr) était tombée à un seuil très critique", explique cette trentenaire.

"Cela faisait dix ans que j'allais bien et du jour au lendemain, tout s'écroule", a déploré la jeune femme.

Confrontée aux limitations de l'accès à l'ancienne formule, Aline Bonnano, retraitée de 65 ans, se rend à Turin "tous les trois ou quatre mois" pour se fournir. La nouvelle formule l'avait transformée, selon elle, en "loque humaine".

Au total, trois millions de patients prennent ce médicament en France (premier marché mondial).

"Aujourd'hui, 2,5 millions de patients sont sous la nouvelle formule", a reconnu le pharmacien responsable de Merck, Valérie Leto. Cette formule contestée va être déployée dans 21 pays de l'UE à partir de 2019, et Merck a assuré qu'il poursuivrait en 2019 l'importation en France d'Euthyrox en provenance d'Allemagne.

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