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En Turquie, les petits pêcheurs du Bosphore contre la pêche industrielle: "Ils nous empêchent d'obtenir notre part de poisson"

Les cannes reposent à la verticale. Les bras croisés et la mine défaite, les pêcheurs du dimanche regardent depuis la rive le senneur remonter son immense filet au moyen d'un gros treuil grinçant.
"Allez, dégage de là!", l'apostrophent les hommes, impatients de replonger leurs hameçons dans les eaux du Bosphore. "Je suis là depuis ce matin 6H00, mais ce bateau a jeté son filet devant nous et nous bloque complètement", déplore Mehmet Dogan qui n'a pu accrocher qu'un seul poisson, une bonite de 40 cm. "Ils nous empêchent d'obtenir notre part de poisson. Je n'ai pu attraper qu'un seul poisson aujourd'hui", soupire-t-il.

"La voie d'entrée des poissons" 


C'est la pleine saison du "palamut" - la bonite, une variété de thon prisée - dans le Bosphore que des bancs entiers empruntent par milliers depuis la mer Noire pour gagner la mer de Marmara puis la Méditerranée. Tendus en travers du détroit, les filets des professionnels, de plus de 1.000 m de long, laissent peu de chance aux amateurs comme Mehmet, postés en continu sur les 30 km de rives. Encore moins à leurs proies. "Ici, c'est la voie d'entrée des poissons. Ils n'auront même pas le temps de déposer leurs oeufs", éructe Murat Ayhanoglu, posté dans l'anse de Kireçburnu où danse le Görenler II, un chalutier de 35 m dont on entend l'équipage ahaner en remontant le lourd filet.
Murat Ayhanoglu énumère les espèces qui se raréfient: chinchard, anchois, picarel, bonite, tassergal. "L'Etat doit trouver une solution", conclut-il.

"Nous devons protéger cette zone" 

Selon le professeur et docteur Bayram Öztürk, directeur du Département de biologie marine à l'Université d'Istanbul et de la Fondation Tudav pour la recherche marine, "au moins six espèces sont déjà en danger comme l'esturgeon, le poisson-épée, le turbot, la sole et d'autres poissons sont épuisés. Les stocks sont épuisés et (à) un niveau très critique. C'est pourquoi nous devons limiter les efforts de pêche dans le détroit d'Istanbul. Nous devons protéger cette zone", prévient-il.

Erdogan Kartal, chef du syndicat "la Coopération de la Pêche d'Istanbul": il constate avec regret que
"a taille des poissons diminue" et que "la pêche est en danger". "Où est ce beau maquereau que nous avions l'habitude de manger en abondance?", se demande-t-il. Pour lui la solution réside dans une pêche réglementée: "Il y a une pression de chasse excessive. Il faut mettre un quota sur la pêche. La pêche doit être pratiquée en fonction d'un quota."

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