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"Don Quichotte", en salles samedi, échappe enfin à la malédiction

"L'homme qui tua Don Quichotte" n'est plus un film maudit: le Tribunal de grande instance de Paris a autorisé la sortie dans les salles françaises samedi du long-métrage porté pendant plus de vingt ans par le réalisateur britannique Terry Gilliam.

La justice française, saisie en urgence, a rejeté vendredi la demande du producteur portugais Paulo Branco qui réclamait la suspension de distribution du long métrage et donc l'interdiction de sa sortie samedi, au motif qu'il estime être détenteur des droits du film avec sa société Alfama.

"L'homme qui tua Don Quichotte", qui sera également projeté samedi soir en clôture du Festival de Cannes en présence de Gilliam, pourra donc être enfin vu par les amateurs de cinéma de l'Hexagone dans quelque 225 salles.

"Le producteur Branco (...) perd sur toute la ligne", a lancé le président du Festival de Cannes, Pierre Lescure, sur Twitter. "Ses insultes pathétiques lui reviennent en boomerang (...) Le seul plaisir qui vaille, ce sera la joie de Gilliam, demain soir".

"C'est une grande victoire, nous sommes très heureux et très soulagés", a réagi auprès de l'AFP Maître Christophe Ayela, l'avocat de Star Invest Film qui distribue le film et risquait selon lui "d'être ruinée" en cas d'interdiction.

Dans son ordonnance de 25 pages, le juge des référés a estimé que la demande d'interdiction était "injustifiée et excessive en ce qu'une telle mesure vise principalement à nuire à l’œuvre elle-même".

"C'est une victoire de la justice. C'est la première fois qu'une décision pointe les motivations qui animent M. Branco depuis le début", a déclaré à l'AFP l'avocat de Terry Gilliam, Maître Benjamin Sarfati.

La justice française a par ailleurs débouté Paulo Branco de sa demande de séquestre et l'a condamné à payer la somme de 1.500 euros à chacune des parties adverses, Star Invest, Océan Films, le producteur Kynology et Terry Gilliam.

Pour le cinéaste âgé de 77 ans, victime d'un petit accident vasculaire il y a deux semaines mais remis sur pied et déjà présent sur la Croisette, c'est une deuxième victoire judiciaire, après celle remportée il y a neuf jours, lorsque le même juge avait autorisé la projection cannoise du film.

- Apologie de la persévérance -

Depuis un an, un contentieux juridique oppose l'ex-Monty Python et Paulo Branco, qui estime que ses "droits exclusifs" sur l'oeuvre, achetés en 2016 à Gilliam, ne sont pas respectés.

Après l'autorisation donnée au Festival de Cannes de projeter le long-métrage, Star Invest s'était estimé en droit de l'exploiter en salle à la même date.

La bataille judiciaire n'est cependant pas terminée entre MM. Gilliam et Branco, puisque ce dernier a annoncé la semaine passée son intention d'engager un recours devant le tribunal administratif contre le visa d'exploitation délivré par le Centre National du cinéma (CNC).

En outre, s'il vient d'essuyer deux revers, Alfama Films a remporté trois premières victoires judiciaires, dont celle très importante sur le fond: en mai 2017, un juge lui a donné raison, en première instance, sur les droits de ce long métrage. Le jugement en appel est attendu le 15 juin.

Le juge des référés a d'ailleurs ordonné d'insérer dans toutes les copies cet avertissement: "La projection de +The man who killed Don Quixote+ lors de cette séance ne préjuge en rien des droits revendiqués par Alfama et Paulo Branco sur ce film à l'encontre de Terry Gilliam et des producteurs mentionnés au générique, qui font l'objet de procédures judiciaires en cours".

Traînant une réputation de film maudit, "Don Quichotte" a mis plus de 20 ans pour aboutir. Reste à savoir comment il sera accueilli.

L'adaptation très libre du classique de Cervantes, qui réunit Jonathan Pryce ("Brazil") en "ingénieux hidalgo" et Adam Driver ("Star Wars: le Réveil de la Force") en Sancho Panza, joue à 100% la carte du carnavalesque au risque de perdre les plus cartésiens.

Subsiste néanmoins le message: laissons rêver les vieux fous, martèle le film qui fait l'apologie de la persévérance. Une réponse de Gilliam à tout ceux qui ne croyaient plus en son projet.

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