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"Le meilleur programme de réinsertion au monde" en Serbie: des prisonniers s'occupent de chiens errants

Dusan le détenu et Cupko le chien ont beaucoup erré avant leur rencontre derrière les barreaux d'une prison serbe, organisée pour leur offrir une nouvelle chance. Il y a deux ans, l'administration pénitentiaire a lancé un programme de réinsertion pour le moins atypique dans la prison de Sremska Mitrovica (nord), la plus grande de Serbie: des détenus s'y occupent de chiens errants, une plaie dans cette petite ville, comme dans l'ensemble des Balkans.

"C'est le plus beau des rêves, travailler ici et travailler avec des chiens", dit Dusan Steric, 49 ans, en caressant Cupko, "Broussaille", chien noir au poil hirsute. Il vient de le mener sur un parcours de dressage dans l'enceinte de la prison, non loin du chenil spécialement créé où jappent environ 300 chiens.



Une telle satisfaction peut sembler surprenante pour un homme privé de liberté, condamné à six mois de prison pour des faits de petite délinquance. Mais Dusan Steric est un ancien élève vétérinaire qui n'a pas obtenu son diplôme. Sa vie a ensuite déraillé, explique-t-il, sans entrer dans les détails.

D'abord sceptique, le directeur de la prison Aleksandar Alimpic s'enthousiasme désormais sur ce qu'il estime être le "meilleur programme de réinsertion au monde", qui "peut changer un homme".

Les gardiens ont constaté "un développement considérable de l'empathie des prisonniers, ainsi qu'une réduction significative de l'agressivité entre eux", détaille le responsable.




Le projet a germé quand la ville a demandé à bâtir un refuge pour chiens dans la prison. L'idée d'y associer les prisonniers a suivi.

Pour l'instant, seuls les condamnés à des peines courtes et ayant une expérience avec des chiens sont éligibles au programme de dix semaines qu'ont suivi 80 détenus depuis son lancement. Mais l'expérience va être étendue à d'autres populations et dans d'autres prisons, dit le directeur Aleksanar Alimpic.

Les stagiaires y consacrent deux heures par jour, dressant ces chiens des rues à obéir à des ordres simples - "Assis!", "Au pied!" et "Pas bouger!" - les nourrissant, les nettoyant.



L'objectif est de rendre ces chiens éligibles à l'adoption, en transformant ces animaux "agressifs" en chiens de compagnie, dit le directeur. Le programme a reçu le soutien de l'Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe (OSCE) avec pour objectif affiché de lutter contre la récidive en favorisant la réinsertion.

Selon un rapport de 2018 du Conseil de l'Europe, les prisons serbes sont saturées, avec un taux de 109,2 détenus pour 100 places disponibles. Il y a trois ans, le Conseil a dénoncé des "traitements inhumains et dégradants" relevés dans plusieurs d'entre elles.

Au bout de dix semaines passées auprès des chiens, les détenus reçoivent un certificat d'aptitude les qualifiant pour des emplois dans des refuges pour animaux ou des zoos.



Mais "il n'est pas rare que certains d'entre eux et leurs familles (les) adoptent", dit Pedrag Balanac, l'éducateur canin professionnel qui chapeaute les séances de dressage.

Dusan compte bien emmener Cupko quand les portes de la prison s'ouvriront: "Je n'ai pas la possibilité d'accueillir plus de chiens. Mais si cela ne tenait qu'à moi, je les adopterais tous", dit cet homme trapu.

Radomir Djakovic, 30 ans, a déjà adopté deux chiens qui vivent avec sa femme en attendant sa sortie. "Cher ami, nous sommes pareils. Tu as été amené ici dans une cage comme moi", a-t-il écrit à l'un de ces chiens, lors d'un atelier d'écriture.

"Mon rêve, c'est d'ouvrir mon propre chenil, de m'occuper de chiens que me confieront leurs propriétaires quand ils sont absents", dit-il à l'AFP.

"C'est la seule bonne chose qui me soit arrivée depuis que je suis en prison", poursuit cet homme imposant.

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