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"Vive la République et vive la reine!" : avec le Brexit, des Britanniques deviennent Français

"Faites ce que vous voulez en Angleterre, maintenant je m'en fiche. Amusez-vous bien!": dans le hall de la préfecture de Gironde, à Bordeaux, Neville Dyer est heureux, ému et caustique. Ce Britannique de 57 ans vient de devenir citoyen français et le Brexit n'est plus son souci.

Comme lui, des milliers de sujets de Sa Majesté résidant en France ont décidé de prendre la nationalité de leur pays d'adoption depuis que le Royaume-Uni a voté pour quitter l'Union européenne. En 2016, l'année du référendum, ils étaient 439 selon le ministère de l'Intérieur. En 2018, 3124.

M. Dyer, directeur du département de langues à l'école de commerce Kedge à Talence, près de Bordeaux, se définit pourtant comme "très Britannique au fond de (lui)". "J'adore ma reine, je suis un peu le cliché. Est-ce que je peux dire vive la République et vive la Reine ? Oui, c'est bizarre mais c'est ça". D'ailleurs, dit-il, "si j'avais dû lâcher la nationalité britannique, je n'aurais pas pu le faire", ajoute cet homme désormais binational.

"Le Brexit a été le moment déclenchant ou déclencheur", explique-t-il dans un français parfait. Arrivé en France à 12 ans dans les bagages de ses parents francophiles, Neville Dyer a grandi en Charente avec ses trois frères, qui eux sont retournés vivre en Angleterre.

"Sans le Brexit, (la naturalisation) ne m'aurait même pas traversé l'esprit", dit cet homme marié à une Française. "J'étais dans une grande famille heureuse, l'Europe, tout à fait à l'aise et intégré". Mais comme Britannique, il aurait eu l'impression de "ne plus faire partie du club" après le Brexit.

Pendant la cérémonie à Bordeaux, après avoir chanté La Marseillaise avec 76 autres néo-Français, dont huit Britanniques, M. Dyer a pensé fort à son père, qui lui a "transmis l'amour" de la France: "Il aurait été très heureux et très fier. Il aurait fait la même chose à ma place".

Neville Dyer assure toutefois avoir "beaucoup réfléchi" avant de franchir le Rubicon. "C'est quand même deux ans et demi de démarches administratives... françaises, donc assez lourdes et longues!", s'amuse-t-il.

- "Français dans mon coeur" -

En Dordogne, pour sa part, Dan Marcus piaffe d'impatience de se lancer dans cette course d'obstacle administrative.

Mais cet Anglais de 33 ans, arrivé fin 2014 avec son épouse Hannah, doit attendre encore quelques semaines pour commencer sa procédure de naturalisation. Il lui faut en effet cinq ans de résidence.

"Ce sera difficile (les démarches) mais je suis sérieux, dit-il. Je suis Français dans mon coeur. Hannah aussi."

Elle a ouvert un restaurant dans le petit village de Cherval, lui travaille comme commercial à La Rochebeaucourt-et-Argentine pour l'agence Leggett Immobilier, fondée par un Anglais arrivé en France comme simple maçon. Comme la majorité des 39.000 Britanniques ancrés en Nouvelle-Aquitaine, ils ont choisi de s'installer dans une zone rurale, loin des côtes, où l'immobilier est meilleur marché.

"En Angleterre, la situation n'est pas bonne pour des jeunes comme moi: c'est trop difficile de trouver du travail et d'acheter une maison", explique ce jeune homme originaire du Yorkshire (nord). "Je veux devenir Français pour avoir le droit de rester ici. Nous sommes bien intégrés".

Bill Fisher, 67 ans, qui a lui passé la majorité de sa vie dans la région de Bordeaux, a fini par sauter le pas : il est officiellement Français depuis avril.

Après ses études en Angleterre, ce natif du Kent -qui exporte du vin vers l'Asie et l'Océanie- est "venu en France pour boire du vin rouge, manger des bon repas et jouer au rugby". Et il a épousé une Française.

"Avec le référendum, elle m'a finalement convaincu de prendre un passeport français", dit-il. "Dans ma tête, on ne pouvait qu'être d'un seul pays. Mais en demandant d'être naturalisé français, je me suis rendu compte de mes trois identités: française, anglaise et européenne".

M. Fisher, membre du club de cricket Bordeaux Giscours, a quand même "un gros problème": "Que faire maintenant quand la France va rencontrer l'Angleterre en rugby ?".

Une question toute rhétorique: "J'ai vécu plus de temps et payé plus d'impôts ici qu'en Angleterre mais ça n'empêche que j'aurai du mal à dire +Allez les Bleus+..."

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