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Année 2018 - Cyclisme: un seul pavillon sur les podiums

Rule, Britannia! Un seul pavillon flotte sur les podiums des grands tours cyclistes à l'exemple du Tour de France gagné pour la sixième fois en sept ans par un Britannique, une série propre à provoquer la lassitude.

"Une année phénoménale", s'est félicitée la ministre britannique des Sports, Tracey Crouch, après le succès de Simon Yates sur la Vuelta. Après la France en 1964 et l'Espagne en 2008, la Grande-Bretagne est le troisième pays à voir ses coureurs conquérir la même année les trois grands tours puisque Geraint Thomas a dominé la Grande boucle et Chris Froome a rétabli, au prix d'un ahurissant coup de force, une situation très compromise dans le Giro.

"Voir que nos coureurs dominent le cyclisme mondial est un superbe retour sur investissement pour la politique de British Cycling", a ajouté la ministre. Non sans raison: si Yates court depuis ses débuts professionnels pour une équipe australienne (Mitchelton), il est issu de la filière longtemps dirigée par Dave Brailsford, aujourd'hui patron de la toute-puissante équipe Sky.

Toute-puissante? Dans le Tour, le constat s'impose. Les six victoires depuis 2012 ont été obtenues par trois coureurs différents (Wiggins, Froome, Thomas). Durant la période, seul l'Italien Vincenzo Nibali s'est intercalé au palmarès en 2014, l'année des chutes à répétition de Froome. Quatre ans plus tard, c'est Nibali qui s'est retrouvé à terre, par la faute d'un spectateur, dans la montée de l'Alpe d'Huez où Thomas a remporté l'étape-reine des Alpes.

"Geraint était le plus fort et son équipe, dont le budget est deux fois supérieur aux autres, arrive à faire cohabiter des coureurs qui pourraient tous être leaders dans d'autres équipes", souligne le jeune retraité Thomas Voeckler dans "Le livre d'or cyclisme 2018".

- Sky: le point d'interrogation -

Conscient que sa réussite sportive est étroitement dépendante de son équipe, Thomas, âgé de 32 ans et en fin de contrat, a choisi de rester trois ans de plus chez Sky. Malgré la présence de Froome (33 ans et lié jusqu'à fin 2020), sur le même créneau des grands tours, et la montée en puissance du grimpeur colombien Egan Bernal (21 ans) engagé jusqu'à fin 2023.

"Avec le recrutement d'un prodige comme Egan Bernal ou encore Pavel Sivakov, ils ont fait une razzia sur tout ce qui se fait de mieux chez les jeunes", relevait pendant le Tour 2018 son directeur Christian Prudhomme. "C'est ce que nous connaissons aussi dans le foot avec le Real Madrid ou le Barça".

"Mon travail, c'est de regarder trois-quatre ans plus loin, affirme Brailsford. Egan est très jeune mais il ne fallait pas louper l'opportunité d'être dans l'environnement pour apprendre comment gagner le Tour dans l'avenir. Je ne sais pas s'il gagnera mais on va lui offrir l'apprentissage maximum".

L'avenir semblait dégagé pour le groupe de Brailsford. Jusqu'à l'annonce, mercredi matin, de l'opérateur de télévision britannique de mettre un terme fin 2019 à son financement. Avec, en corollaire, un grand point d'interrogation sur la suite, puisque Brailsford doit maintenant trouver un partenaire de la même taille pour 2020 et au-delà.

- Les solutions anti-ennui -

Les cartes risquent donc d'être redistribuées si le budget est revu à la baisse. Car la stratégie de Sky dans le Tour a reposé jusqu'à présent sur le contrôle étroit sur la course, au risque de générer l'ennui des téléspectateurs et susciter des réactions du côté des organisateurs, pour varier les parcours, et aussi des instances.

"Sky a une stratégie qui lui permet de gagner. On ne peut pas blâmer pour cela", reconnaît le président de l'Union cycliste internationale (UCI) David Lappartient. Mais il ajoute aussitôt que "les gens ont envie de rêver, de quelque chose qui ne soit pas écrit à l'avance".

Parmi les pistes évoquées, de nature à susciter les controverses, reviennent la suppression des oreillettes et des capteurs de puissance en course, souhaitée par les organisateurs du Tour, ou encore la diminution du nombre de coureurs par équipe, déjà ramenée en 2018 de neuf à huit.

Romain Bardet, l'un des rares à tenter de déstabiliser Sky en juillet dernier, a déjà pris position: "J'ai changé d'avis sur le sujet et je pense désormais que les courses gagneraient à être courues sans oreillettes. Après, pour les capteurs de puissance, je ne sais pas vraiment. Donc, dans le bénéfice du doute allons-y, essayons."

Le Français souhaite en tout cas que le débat soit lancé. Car, affirme-t-il, "le vrai souci, c'est la prévisibilité des courses. C'est le plus grand enjeu". Le retrait programmé de Sky pourrait bien toutefois bouleverser la donne.

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