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Commission européenne : Goulard ne convainc pas les eurodéputés

La Française Sylvie Goulard n'est pas parvenue mercredi à convaincre les eurodéputés, qui lui ont réclamé des clarifications supplémentaires, notamment sur l'emploi présumé fictif d'un de ses collaborateurs, avant de statuer sur sa candidature à la Commission européenne.

A l'issue de son audition, l'ensemble des groupes politiques du Parlement européen -à l'exception du sien, les Libéraux de Renew- ont décidé de lui poser de nouvelles questions par écrit, étape préalable à une éventuelle seconde audition, selon des sources concordantes.

Les élus européens, dont le feu vert est indispensable à chaque commissaire, n'ont pas été convaincus par ses explications sur les deux enquêtes dont elle fait l'objet -l'une de la justice française, l'autre de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf)- dans l'affaire des emplois présumés fictifs des assistants des eurodéputés du parti Modem (centre).

Ce dossier l'avait conduite à quitter son poste de ministre des Armées en juin 2017, un mois seulement après sa nomination.

"Si, en tant que commissaire, elle doit faire face à une procédure judiciaire, sa nomination risque d'affaiblir la Commission dans son ensemble. Nous voulons un commissaire qui s'engage à 100%", a commenté l'eurodéputée danoise Christel Schaldemose (social-démocrate).

D'autres eurodéputés restent insatisfaits par ses réponses sur le fond, à l'instar de l'écologiste finlandais Ville Ninistö, qui l'a jugée "beaucoup trop vague".

Selon une source européenne, les nouvelles questions lui seront envoyées vendredi et elle aura jusqu'à mardi pour y répondre.

- "Questions éthiques" -

"I'm clean" ("je suis propre"), a lancé en anglais Mme Goulard, demandant aux eurodéputés, qui l'ont parfois malmenée, de respecter "la présomption d'innocence".

Désignée par Emmanuel Macron, la Française brigue le portefeuille aussi vaste que stratégique du "Marché intérieur".

Le résultat de cette audition marque un nouveau revers pour la présidente du futur exécutif européen, l'Allemande Ursula von der Leyen, censée prendre ses fonctions le 1er novembre et dont l'équipe peine à convaincre les eurodéputés, qui auditionnent tous les candidats jusqu'au 8 octobre.

Deux de ses membres, une social-démocrate roumaine et un Hongrois du PPE (droite), ont vu leur candidature retoquée avant même leur audition.

Plusieurs députés ont soulevé mercredi les "questions éthiques" posées par les enquêtes visant Mme Goulard, qui appartient au troisième grand groupe politique de l'UE. D'autres ont dit "ne pas comprendre" comment elle pouvait prétendre être commissaire après avoir démissionné pour les mêmes raisons du gouvernement.

"Un usage existe en France (...) selon lequel tout ministre, à partir du moment où il serait mis en examen, devrait démissionner", a-t-elle expliqué. "Dans les institutions européennes, un tel usage n'existe pas".

"Je n'ai pas été mise en examen, mais j'ai estimé alors pour une raison, avoir la responsabilité des armées françaises, (...) que je ne pouvais pas faire courir ce risque", a poursuivi l'ancienne députée européenne (2009-2017)

"Je respecterai, si elle advient, la décision de justice", a-t-elle assuré.

- "Tout était légal" -

La Française a déjà remboursé 45.000 euros au Parlement européen, correspondant à huit mois de salaire d'un de ses assistants, pour lequel elle n'a pu fournir aucune "preuve de travail". "Un aveu", selon ses détracteurs.

"Je n'ai rien reconnu", a-t-elle répondu, niant toute "intention frauduleuse".

Elle a expliqué qu'"il y avait eu des problèmes au moment de (la) démission" de ce collaborateur et qu'elle n'avait pas eu envie de s'"engager dans une procédure de licenciement".

"Notre inquiétude, c'est que sur des questions stratégiques, on ait un commissaire déstabilisé en permanence à cause de questions judiciaires", a expliqué le président de la délégation française du PPE, François-Xavier Bellamy.

Mme Goulard a également été interrogée sur son travail de "consultante", moyennant "plus de 10.000 euros" mensuels, pour un groupe de réflexion américain, l'institut Berggruen, d'octobre 2013 à janvier 2016, alors même qu'elle était eurodéputée.

"Tout était légal", a-t-elle souligné. "Je conçois que les sommes soient élevées", mais "ça correspond aux conditions qui se pratiquent".

"On demande un comportement exemplaire ou au-dessus de la moyenne pour un commissaire européen et là, c’est très clair qu’elle n’y est pas", a commenté l'eurodéputé belge Marc Botenga, membre de la Gauche unitaire européenne (GUE).

Pour l'institut Berggruen, fondé par le milliardaire germano-américain Nicolas Berggruen -qualifié jadis de financier "vautour" par le magazine Forbes-, Mme Goulard a préparé "des documents d'information", passé des "coups de fil" et aidé à préparer diverses réunions publiques.

"C'est cher payé, mais ils ont acheté son carnet d'adresses", estime une source européenne qui l'a côtoyée.

Chez Renew, l'eurodéputé Stéphane Séjourné à quant à lui regretté que certains "aient fait le choix de nourrir des polémiques".

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