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BCE: Draghi défend son bilan face aux critiques en Allemagne

L'ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a savouré une revanche vendredi, en recevant la plus haute distinction nationale allemande et en défendant son bilan dans le pays même qui l'a régulièrement pourfendu dans le passé.

Durant un mandat scandé par les crises, M. Draghi a "maintenu la cohésion de l'euro et de l'Union européenne", et rendu ce faisant "un grand service à l'Europe et, je le dis délibérément, à mon pays", lui a rendu hommage le président allemand en personne, Frank-Walter Steinmeier, en remettant à l'Italien la Croix fédérale du mérite.

L'annonce de cette distinction a ravivé ces derniers jours les critiques, nombreuses en Allemagne où domine une conception très orthodoxe de la politique monétaire, contre l'action menée par la BCE ces dernières années sous la baguette de Mario Draghi.

L'Italien y a souvent été accusé d'avoir mené une politique de taux d'intérêt trop bas pour aider les pays en difficulté du Sud de l'Europe, mais ayant pour effet de "ruiner" les épargnants allemands et de dilapider l'argent public.

- 'Respect' -

Mario Draghi s'est défendu d'avoir outrepassé son mandat lors de cette cérémonie à Berlin.

Il a souligné qu'"au cœur de la culture de stabilité" monétaire, "se trouve un respect profondément ancré de la loi, des règles et de son mandat".

"L’ADN de l’euro, qui a imprégné les actions de la BCE tout au long de son histoire" a été aussi ""certainement un principe directeur de ma présidence".

Auparavant, le président allemand avait émis l'espoir que "les malentendus et le mutisme occasionnel entre la BCE et l'opinion publique allemande pourront être surmontés".

C'est notamment à cette tâche que la nouvelle présidente de la BCE, la Française Christine Lagarde, veut s'atteler durant son mandat.

A l'inverse des honneurs rendus vendredi au château de Bellevue, la résidence du président allemand, le quotidien populaire Bild s’indignait la semaine dernière de voir qu'une telle récompense puisse revenir "à un homme qui a confisqué leurs intérêts à des millions d'épargnants allemands".

- 'Draghila' -

Le journal a affublé l'ex-banquier central du surnom "Draghi-taux zéro", après avoir dans le passé mené campagne contre "le comte Draghila", celui qui "siphonne nos comptes".

Selon un sondage de l'institut Yougov, 60% des Allemands sont opposés à la distinction reçue par Mario Draghi.

Parmi eux, de nombreux élus du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel. L'un d'eux, Axel Fischer, a fustigé la politique monétaire de l'Italien qui a "peut-être été utile à certains pays du sud de l'Europe mais pas pour la zone euro et certainement pas pour l'Allemagne".

Beaucoup d'Allemands n'ont pas digéré le fait que, confrontée à une inflation et une croissance faibles en zone euro, la BCE ait déversé 2.600 milliards d'euros sur les marchés tout en abaissant drastiquement ses taux directeurs, au point de ponctionner les banques pour les liquidités qu'elles lui confient.

Cette politique destinée à stimuler l'offre de crédits, donc l'activité économique, a aussi sapé la rémunération des placements sans risque. Or les Allemands épargnent plus volontiers pour préparer leur retraite qu'ils ne s'endettent pour acheter leur logement.

L'actuel président de la chambre des députés allemands, Wolfgang Schäuble, a dans le passé attribué les succès électoraux du parti d'extrême droite national AfD à la BCE.

Sollicité par l'AFP, il a décliné tout commentaire sur l'honneur fait à M. Draghi, pour "ne pas s'immiscer dans un débat en cours", selon sa porte-parole.

M. Draghi peut en revanche compter sur le soutien des écologistes allemands.

L'un de leurs élus, le député Sven-Christian Kindler, a critiqué "l'hypocrisie" des conservateurs, faisant valoir que les excédents budgétaires du pays ont été facilités par les taux très bas de la BCE, qui ont abouti à diminuer fortement la charge des intérêts de la dette publique.

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