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Birmanie: peinture rouge en hommage aux "martyrs", Moscou refuse de sanctionner le régime

Des Birmans ont déversé mardi de la peinture rouge dans les rues contre la répression sanglante des forces de sécurité et exhorté la communauté internationale à intervenir, mais la Russie a, comme la Chine, rejeté toute idée de sanctions.

570 civils - dont une cinquantaine d'enfants et d'adolescents - ont été tués en un peu plus de deux mois, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP).

Le bilan pourrait être beaucoup plus lourd: plus de 2.700 personnes ont été arrêtées. Beaucoup, sans accès à leurs proches ou à un avocat, sont portées disparues.

Malgré cela, la mobilisation pro-démocratie ne faiblit pas, avec des dizaines de milliers de salariés en grève et des secteurs entiers de l'économie paralysés.

Pour échapper aux représailles et continuer à être entendus, les contestataires trouvent chaque jour de nouvelles parades.

Mardi, ils ont demandé à la population de déverser de la peinture rouge pour évoquer le sang des "martyrs tombés sous les balles" de l'armée et de la police.

A Hpa-An, la capitale de l'Etat Karen (sud), des opposants au coup d'Etat en ont répandu sur une route, avant de rendre hommage aux victimes et de saluer à trois doigts en signe de résistance.

"Ne tuez pas les civils pour un salaire aussi misérable que le prix de la nourriture pour chiens", a écrit en lettres rouge sang un protestataire sur un abribus de Rangoun.

D'autres ont imbibé des bouts de tissus de peinture avant de les jeter à un carrefour de la capitale économique. Un internaute a diffusé un tableau couvert de rouge, exhortant l'ONU à "venir en aide" au pays.

- Divisions -

Mais la communauté internationale reste divisée.

Les Etats-Unis, l'Union européenne et le Royaume-Uni ont sanctionné le régime.

La Russie, alliée traditionnelle de l'armée birmane, a, elle, rejeté mardi toute idée de mesures coercitives, les jugeant inutiles et à même d'entraîner un "conflit civil à grande échelle". Elle a également confirmé vouloir poursuivre sa coopération militaire avec le pays.

La Chine, autre soutien traditionnel de la Birmanie à l'ONU, refuse aussi de sanctionner la junte.

Forts de ces divisions, les généraux poursuivent sans relâche leur répression contre les opposants au coup d'Etat.

Quelque 80 (BIEN 80) célébrités birmanes - chanteurs, mannequins, journalistes, influenceurs sur les réseaux sociaux - sont visés par des mandats d'arrêt. Elles sont accusées d'avoir diffusé des informations susceptibles de provoquer des mutineries dans les forces armées.

- Fier d'être "un héros" -

Le journaliste Sithu Aung Myint, s'est dit honoré de faire partie de la liste. "Je suis reconnu comme un héros de cette révolution, mes enfants et petits-enfants seront fiers de moi", a-t-il écrit sur Facebook.

Un autre célèbre satiriste et activiste, Zarganar, déjà emprisonné quatre fois sous les précédentes dictatures militaires, a déjà été interpellé, selon le service birman de la BBC.

Par craintes des représailles, les foules sont peu nombreuses à descendre dans les rues.

De petits groupes ont défilé dans l'Etat Shan (nord-est) où un sit-in a été organisé sous la pluie, des manifestants se protégeant derrière des barricades de fortune érigées avec des panneaux publicitaires, des fils barbelés et du bambou.

Ailleurs dans le pays, des protestataires ont arboré des fleurs jaunes de padouk, normalement associées au nouvel an birman qui débute la semaine prochaine, et des drapeaux de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d'Aung San Suu Kyi.

L'ancienne dirigeante de 75 ans, mise au secret par l'armée, est notamment accusée de corruption et d'avoir violé une loi sur les secrets d’État datant de l'époque coloniale.

L'accès à internet reste coupé pour une majorité de la population, la junte ayant ordonné la suspension des données mobiles et des connexions sans fil.

Mais le mouvement de contestation -beaucoup de jeunes habitués aux nouvelles technologies- trouve des alternatives pour continuer à l'utiliser.

Une campagne de collecte de fonds en ligne, lancé par un groupe de députés déchus de la LND qui ont formé un gouvernement de résistance, a récolté près de 10 millions de dollars.

Ces fonds vont servir à "déraciner la dictature militaire" et restaurer la démocratie, ont-ils indiqué sur les réseaux sociaux.

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