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Boris Johnson, le feuilleton de l'été londonien

C'est le feuilleton britannique de l'été, avec tous les ingrédients nécessaires: politique, lutte de pouvoir et religion, sur fond de Brexit. Et le suspect habituel en vedette: le sémillant Boris Johnson, ex ministre des Affaires étrangères.

En moquant dans un éditorial du Daily Telegraph lundi les femmes en burqas, comparées à des "boîtes aux lettres" et des "braqueuses de banque", Boris Johnson a déchainé dans le calme plat du mois d'août un débat, avivé par une demande d'excuses du chef de son parti conservateur Brandon Lewis.

L'affaire est maintenant censée faire l'objet d'une enquête du parti, automatiquement déclenchée si ses membres écrivent aux instances dirigeantes pour se plaindre, comme c'est ici le cas.

Humour? Insulte? Provocation calculée? Les analystes britanniques se perdent en conjectures sur le sens et l'importance à donner à l'affaire, qui fait en tous cas la une des journaux britanniques depuis cinq jours.

Un de ses anciens collègues du Daily Telegraph assure que Boris Johnson, du temps où il était correspondant à Bruxelles et matraquait l'Union européenne, était incapable de rendre à temps sa copie ou de préméditer ses coups, et n'avait donc pas calculé l'effet de son éditorial.

La patronne de Scotland Yard, Cressida Dick, a soutenu que même si ces propos pouvaient être offensants, Boris Johnson "n'a pas commis de crime", sur la BBC jeudi soir.

Des autorités religieuses s'en sont mêlées. Taj Hargey, imam de la congrégation d'Oxford, estime que l'ex-ministre "ne devrait pas s'excuser de dire la vérité" et souligne dans une lettre au Times jeudi que la burqa "n'est pas légitimée par le Coran".

- Mr Bean à la rescousse -

Boris a également reçu un soutien de poids : celui du comédien Rowan Atkinson. Dans une lettre publiée vendredi par le Times, Mr Bean plaide pour la "liberté de moquer la religion" et trouve sa blague "bien bonne", concluant qu'"on ne doit s'excuser que pour les blagues pas drôles".

Le trublion blond aux cheveux soigneusement ébouriffés marque en tous cas des points auprès d'une base conservatrice qui le chérit déjà. Le tabloïd Daily Mail, véhicule des Brexiters, assurait vendredi que la vaste majorité de son lectorat le soutient, avec 95% des courriers des lecteurs en sa faveur.

Le Daily Telegraph cite lui des députés tories, furieux mais prudemment anonymes, selon lesquels Brandon Lewis a fait de l'excès de zèle en "tirant dans les rotules" du grand rival de Theresa May pour brimer ses ambitions de lui piquer sa place.

Le charismatique Boris s'est pourtant fait remarquer comme "le pire ministre de Affaires étrangères depuis la Seconde Guerre mondiale", selon le bilan tiré par le très respecté cercle de réflexion de Chatham House, qui lui reproche d'avoir multiplié "les bons mots là où le sérieux et le sens du détail étaient requis".

Cela ne le gêne en rien pour défier en permanence Theresa May en défendant une sortie de l'UE qui couperait les amarres avec le vieux continent afin de permettre au Royaume-Uni de cingler vers de nouvelles alliances commerciales mirobolantes.

Côté milieux des affaires et ministère des Finances, ces rêves dangereux ne doivent en aucun cas être mis en œuvre et le pays doit maintenir les liens les plus étroits possibles avec l'UE, faute de quoi il sortira gravement meurtri du Brexit.

L'affaire intervenant en pleines vacances de Theresa May comme de Boris Johnson, elle a des chances de s'éteindre doucement, ce qui serait la meilleure solution pour un parti conservateur déjà prompt à étaler ses divisions sur le Brexit.

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