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Brexit: à Belfast, la fin de la manne européenne inquiète

A Ardoyne, bastion nationaliste républicain du nord de Belfast proche de quartiers pro-Britanniques, un calme fragile règne depuis 20 ans sur lequel la perspective du Brexit fait planer un nuage noir.

Dans les rues de ce quartier ouvrier, les fresques murales continuent de célébrer les combattants d'une guérilla qui, entre 1969 et les accords de paix de 1998, a coûté la vie à près de 3.500 personnes dont 563 rien que dans le nord de la capitale nord-irlandaise. Rappelant que les tensions ne sont jamais très loin.

D'où l’inquiétude face à la perspective de la sortie de l'Union européenne, qui risque de se traduire par le rétablissement d'une frontière visible avec la République d'Irlande, dans le sud de l'île, ravivant les tensions nationalistes, ainsi que de tarir l'afflux de fonds qui ont largement contribué à la paix.

"Notre processus de paix a sans le moindre doute été soutenu par les financements européens", déclare à l'AFP Alan McBride, à la tête du Wave Trauma Centre, une ONG d'aide aux victimes de violences.

Son organisation en particulier reçoit une "part non négligeable" de son budget de l'UE et s'interroge désormais pour l'avenir.

"On nous a dit que notre financement devrait être garanti - au moins l'argent venant de l'Europe - jusqu'en 2020 mais après ça, nous n'avons aucune certitude", explique-t-il.

L'ONG conseille et aide psychologiquement les victimes des +Troubles+ - terme employé pour qualifier le conflit entre partisans de l'union avec le Royaume-Uni et nationalistes aspirant à l'union avec l'Irlande - mais aussi ceux qui continuent de subir des intimidations des paramilitaires.

Car malgré la paix retrouvée, les expéditions punitives destinées à faire respecter des codes non écrits encore en vigueur dans certaines zones de Belfast persistent. Et pas plus tard qu'en janvier, un policier a été blessé par balles à Ardoyne, un incident imputé aux dissidents républicains.

- Polarisation croissante -

Andrew McCracken, le directeur de la Community Foundation for Northern Ireland qui attribue des fonds à différentes associations, souligne que de nombreuses organisations caritatives vont être confrontées au même problème de financement.

"Il y a une incertitude autour du Brexit et de ce qui arrivera aux financements en provenance de l'UE", dit-il.

Dublin a également fait part de ses inquiétudes et indiqué compter faire pression sur l'UE pour qu'elle poursuive "les politiques de soutien à l'Irlande du Nord et au processus de paix".

Depuis 1995, Bruxelles a contribué au processus de paix en injectant 1,3 milliard d'euros. Un milliard d'euros supplémentaires ont été débloqués jusqu'en 2020 pour financer des initiatives transfrontalières.

Des sommes non négligeables alors que le taux de chômage dans certains quartiers de Belfast est bien supérieur à la moyenne de 5,5% de la province, elle-même supérieure à celle du Royaume-Uni (4,7%).

John McCorry, longtemps responsable du North Belfast Patnership, qui coordonnait la réhabilitation urbaine dans le nord de la ville, estime que ces financements sont plus nécessaires que jamais du fait de la polarisation croissante des deux communautés.

La perspective du Brexit a contribué également à exacerber les divisions entre les deux principaux partis politiques de la province britannique, pourtant obligés de gouverner ensemble, le Sinn Féin (nationalistes, gauche) ayant voté contre tandis que le DUP (unioniste, droite) a voté en sa faveur.

Pour North Belfast Patnership, c'est déjà trop tard: elle a récemment été contrainte de fermer après 20 ans d'existence, faute d'avoir réussi à décrocher des fonds européens ces deux dernières années. Et parce que le Brexit "tue toute perspective" d'en avoir après 2020, dit M. McCorry.

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