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Catalogne: les heurts perturbent jusqu'au clasico, au pays du foot-roi

Dans une Espagne folle de football, le clasico FC Barcelone-Real Madrid est sacré. Mais les troubles survenus cette semaine en Catalogne ont perturbé jusqu'à cette rivalité centenaire, match de clubs le plus suivi au monde, reporté vendredi par crainte de débordements.

Fait rare mais pas inédit, la fédération espagnole (RFEF) a annoncé l'ajournement de la rencontre, initialement prévue le 26 octobre au Camp Nou, alléguant des "raisons exceptionnelles". Selon la presse, les militants indépendantistes catalans, mobilisés contre la lourde condamnation de dirigeants séparatistes, envisagent de convoquer une grande manifestation à Barcelone ce même samedi.

Le club catalan et son adversaire madrilène "devront se mettre d'accord sur la nouvelle date du match" d'ici lundi matin, a annoncé la RFEF. Dans deux communiqués séparés, le Barça et le Real ont annoncé qu'ils proposeraient la tenue de la rencontre le mercredi 18 décembre.

Ce n'est pas la première fois que le football est impacté par la crise politique catalane.

Le 1er octobre 2017, la tenue d'un référendum d'autodétermination interdit en Catalogne, suivi d'une infructueuse tentative de sécession, avait déjà impacté le bon déroulement du Championnat d'Espagne. Le Barça, qui recevait ce jour-là Las Palmas, avait décidé de jouer sa rencontre à huis clos en signe de protestation contre les violences policières ayant émaillé la consultation.

- Implications politiques -

Mais cette fois, ce n'est pas un simple match de Liga qui est concerné: c'est le match phare de la compétition, rencontre de clubs la plus regardée sur la planète avec ses 650 millions de téléspectateurs attendus à chaque édition, selon les chiffres de la Ligue espagnole (LaLiga).

Pour les 47 millions d'Espagnols dont 7 millions de Catalans, le clasico est un moment de communion. Deux fois par an en Liga, voire davantage si les tirages au sort des autres compétitions en disposent ainsi, ces deux géants planétaires s'affrontent en duel.

En Espagne, même les personnes ne s'intéressant pas au football font une exception pour cette rencontre, qui figure au patrimoine culturel commun, au même titre que la célèbre loterie de Noël ("El Gordo") ou les festivités de Pâques ("Semana Santa").

"Ça réunit tout le monde", résumait en 2017 l'entraîneur madrilène Zinédine Zidane, qui vit en Espagne depuis près de 20 ans. "Moi qui ait pu le vivre comme joueur, qui le vis comme entraîneur, ce sont des émotions incroyables."

Sommet du jeu, ce duel hors norme revêt aussi des implications politiques entre l'équipe étendard de l'identité catalane et son grand rival madrilène, considéré comme représentatif de l'Espagne à l'étranger.

Et ce n'est pas la première fois qu'un clasico de Liga est reporté pour raisons politiques: en 2010, un match qui devait se disputer un dimanche 28 novembre avait dû être décalé au lundi 29, à cause de la tenue ce week-end-là d'élections régionales en Catalogne.

- Affaire nationale -

Autant dire que le report du match est une affaire nationale, qui a fait vendredi la "Une" des principaux journaux sportifs espagnols, avec ce même titre: "Reporté".

La polémique n'a pas tardé: était-il possible de maintenir la rencontre dans un contexte où les forces de police étaient mobilisées ailleurs et les risques de perturbations du match étaient fortes ? Le Camp Nou est connu pour ses banderoles farouchement séparatistes et une partie du stade scande "Independencia" à chaque rencontre.

Le Barça a fait valoir que la sécurité aurait pu être assurée: "Le désir du club était de jouer le clasico au Camp Nou le 26, comme prévu", a écrit le Barça. "Le club a une confiance absolue dans l'attitude civique et pacifique de ses +socios+ (supporteurs-actionnaires, NDLR), qui s'expriment toujours de manière exemplaire au Camp Nou."

Mais les autorités politiques en Europe ont tendance ces derniers temps à ne pas prendre de pincettes lorsqu'une rencontre sportive paraît à haut risque: en France, les préfets ont imposé des reports de matches pour soulager les forces de l'ordre pendant la crise des "gilets jaunes" ou la réunion du G7 à Biarritz, tout en publiant régulièrement des arrêtés restreignant les déplacements de supporters.

Pour sa part, Zidane s'est montré fataliste au sujet de ce report: "Je sais qu'il y a beaucoup de débats, et c'est normal, mais voilà ma position: quand ce sera le moment, on jouera, à la date qui nous sera indiquée par l'autorité compétente", a-t-il dit vendredi en conférence de presse. "Comme tout le monde, je n'aime pas la violence, personne n'aime ça. Il y a des images difficiles à voir, mais je ne rentre pas là-dedans."

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