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Concurrence ferroviaire: les choses sérieuses commencent pour les TER

L'ouverture à la concurrence du ferroviaire entre dans une phase plus concrète, les régions qui le souhaitent pouvant à partir de mardi passer des appels d'offres pour confier une partie de leurs TER à un opérateur autre que la SNCF.

Cette échéance formelle entre en collision avec la grève contre le régime des retraites, qui s'annonce massive, notamment à la SNCF, à partir du 5 décembre.

"C'est un chantier d'expérimentation qui va s'ouvrir", résume David Valence, le vice-président chargé des transports du Grand Est, qui est prêt à se lancer dans l'aventure. Il envisage "quelque chose de progressif", un processus améliorable au fur et à mesure.

Son objectif: faire des économies "peut-être de 15 à 20% en fonctionnement, pour les réinvestir dans des commandes de trains supplémentaires".

Imposée par une directive européenne, la mise en concurrence sera obligatoire à compter du 25 décembre 2023 pour les transports publics subventionnés par les pouvoirs publics, à la fin du contrat les liant à la SNCF.

En attendant, les régions qui le souhaitent vont pouvoir choisir une autre compagnie pour exploiter certaines lignes, à condition d'avoir prévu dans leur convention avec l'opérateur historique un "coupon détachable" prévoyant cette option.

Sauf hésitation de dernière minute, les trois premières régions à sauter le pas seront le Grand Est, les Hauts-de-France et PACA, suivies un peu plus tard par les Pays-de-la Loire. Elles seront accompagnées par l'Etat, qui est soumis à la même règle pour les Intercités qu'il subventionne, et veut ouvrir les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon à la concurrence.

Quoi qu'il en soit, les premiers "trains de la concurrence" ne devraient pas rouler avant la fin 2022, compte tenu des délais nécessaires pour la réponse à l'appel d'offres, la désignation du vainqueur et la préparation de la transition.

"On veut +challenger+ la SNCF, car nous ne sommes pas contents de son fonctionnement. Elle donne tous les jours l'impression de ne pas nous écouter", note de son côté le vice-président chargé des transports dans les Hauts-de-France, Franck Dhersin.

- "Risque limité" -

Les élus reprochent régulièrement au groupe public son manque de souplesse, sa totale absence de transparence dans les comptes, ses coûts élevés, son incapacité à planifier les travaux, sa mauvaise volonté à communiquer des données sur les lignes, et bien sûr la fermeture des guichets, les horaires inadaptés, les trains supprimés, les retards, les grèves...

La SNCF commence à faire son aggiornamento, promettant d'être plus ouverte, plus proche des territoires, et d'améliorer son service. Sa direction TER a d'ailleurs lancé un vaste "plan de transformation" qui a semble-t-il enrayé la spirale du déclin.

"Pour TER, il y a un risque", reconnaissait mercredi le nouveau patron du groupe public Jean-Pierre Farandou, devant des cheminots lors d'une visite Gare Saint-Lazare à Paris.

"Mais ce risque est limité", selon lui. Sur les 10 à 12% des réseaux que les régions vont ouvrir à la concurrence, "on va bien en gagner la moitié, donc au pire on va perdre 5-6%, ce n'est pas très grave", jugeait-il.

Tous les TER transportent actuellement 1 million de voyageurs par jour --autant que la seule ligne B du RER francilien.

Le président de l'Autorité de régulation des transports (ART) Bernard Roman observe "un certain nombre de constantes" dans les pays européens ayant déjà ouvert leurs lignes régionales au privé.

"La part modale du ferroviaire a progressé partout", expose-t-il. "La qualité de service a progressé partout, l'entreprise historique s'est transformée partout, et l'entreprise historique se porte mieux partout."

En Allemagne par exemple, la Deutsche Bahn n'a gardé que les deux tiers du marché régional 25 ans après son ouverture, mais son activité a augmenté.

"Si le gâteau grossit plus vite que le nombre d'acteurs qui se mettent autour de la table pour le manger augmente, alors l'ouverture du marché ne sera pas un problème", en conclut le patron des TER à la SNCF, Frank Lacroix.

Ce gâteau va peser à peu près 5 milliards d'euros en 2020, dit-il. Les régions apportent les trois quarts de la somme, outre leurs investissements dans le matériel roulant et la rénovation des voies ferrées.

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