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Craintes dans l'est de l'Ukraine: Anna a peur que les soldats séparatistes ne s'emparent de son village

Tant que les troupes ukrainiennes stationnaient dans son village, Anna se sentait en sécurité. Mais depuis qu'elles ont commencé à se retirer de Stanytsia Louganska, sur la ligne de front dans l'est de l'Ukraine, elle craint un retour des séparatistes. "Nous avons peur qu'ils traversent la frontière de nuit et occupent notre village", soupire Anna, 53 ans. "Alors, la vie sera terminée", ajoute-t-elle en secouant la tête d'un air dépité.

Jusqu'au printemps 2014, elle vivait avec son mari à Lougansk. Quand la guerre a éclaté et que cette ville industrielle de 400.000 habitants est passée du côté des rebelles prorusses, qui en ont fait l'un de leurs bastions, ils se sont réfugiés une poignée de kilomètres plus au nord, à Stanytsia Louganska, resté sous contrôle des forces de Kiev.

Aujourd'hui, la petite ville de 13.000 âmes se trouve sur la ligne de front de cette guerre désormais en grande partie gelée, qui a fait près de 13.000 morts depuis son déclenchement.


Un point de passage stratégique

Stanytsia Louganska est surtout un lieu stratégique: l'unique point de passage ouvert entre l'Ukraine et la République populaire de Lougansk (LNR), l'un des deux territoires autoproclamés des séparatistes, se trouve ici.

 
Chaque jour, 11.000 personnes traversent la "frontière" via un pont partiellement détruit par les combats et encore aujourd'hui inutilisable pour les véhicules.

Pour passer de l'autre côté, il faut traverser à pied un kilomètre de no man's land, les personnes âgées ou handicapées devant payer si elles veulent être transportés en fauteuil roulant.
 
En mai, Stanytsia Louganska a été la première ville de l'est du pays visité par le nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky, après son investiture.

Il y est revenu avec le président du Conseil européen Donald Tusk le 7 juillet, une dizaine de jours après le "désengagement" des troupes ukrainiennes et des séparatistes, qui ont chacun reculé leurs positions de quelques centaines de mètres en vertu d'un accord signé en 2016 mais qui n'avait alors pas été appliqué.

Salué par les Occidentaux, ce désengagement, qui ne concerne que Stanytsia Louganska, l'a aussi été par Volodymyr Zelensky, élu avec la promesse de mettre fin à la guerre et qui a dit y voir "un premier pas vers un cessez-le-feu durable" et "l'espoir de voir la fin de la phase intense de la guerre".

D'autres signes de bonne volonté pourraient venir. Fin juillet, les émissaires séparatistes et ukrainiens, qui se rencontrent régulièrement à Minsk au Bélarus, ont conclu un accord visant à déminer la zone et à réparer le pont pour les véhicules.

Nous avons peur qu'ils se débarrassent de nous

Svetlana, qui fait pousser ses légumes dans la commune, souhaite que les travaux commencent le plus vite possible. "Stanytsia Louganska a toujours nourri Lougansk et nous vivions avec cet argent", raconte-t-elle en disposant ses légumes sur un étal du marché de la ville. "Nous étions un et maintenant nous sommes séparés, divisés en deux parties", regrette-t-elle.

Mais Tatiana, qui traverse une fois par mois la ligne de contact pour rendre visite à sa fille et ses petits-enfants en territoire séparatiste, ne veut pas voir le pont réparé. Cela pourrait être "très dangereux" car cela permettrait aux rebelles de déplacer leurs équipements en territoire ukrainien, craint-elle.

"Quand nous avions l'armée ici, nous dormions bien la nuit mais maintenant, on ne sait pas qui pourrait marcher autour de notre maison", ajoute cette femme qui, comme tous les habitants interrogés par l'AFP, a souhaité garder l'anonymat.

Tatiana en est certaine: si l'ancien président ukrainien Petro Porochenko, partisan d'une ligne dure face aux séparatistes, était encore au pouvoir, il "ne nous aurait pas abandonné".

Mais cette confiance s'est évanouie depuis l'arrivée de Volodymyr Zelensky, un ancien comédien novice en politique jusqu'à son élection triomphale en avril: "Maintenant, nous avons peur qu'ils se débarrassent de nous".

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