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Crimes de guerre en Ukraine: la justice française "extrêmement décidée" à établir les responsabilités

De retour d'un déplacement de quelques jours en Ukraine, le procureur antiterroriste français Jean-François Ricard se dit "extrêmement décidé" à faire aboutir les sept enquêtes ouvertes en France depuis l'invasion russe pour des soupçons de crimes de guerre.

"On est extrêmement décidé. On n'ouvre pas des enquêtes juste pour la forme (...) pour des effets d'annonce. On ouvre des enquêtes pour établir in fine des responsabilités et qu’il y ait des procès, devant une juridiction française ou une autre", insiste M. Ricard lors d'un entretien à l'AFP vendredi au tribunal judiciaire de Paris.

Depuis fin février, le parquet national antiterroriste (Pnat) a ouvert sept enquêtes pour de possibles crimes de guerre commis, essentiellement en février et mars, à l'encontre de Français.

Parmi eux, Pierre Zakrzewski, caméraman franco-irlandais de Fox News tué le 14 mars à Horenka au nord-ouest de la capitale ukrainienne après l'attaque de son véhicule et Frédéric Leclerc-Imhoff, journaliste pour BFMTV, tué le 30 mai alors qu'il suivait une mission humanitaire dans l'est du pays.

Dans ce contexte, le procureur s'est rendu du 12 au 16 septembre dans la région de Kiev, accompagné d'une équipe du parquet antiterroriste - également compétent pour les crimes de guerre -, de l'office chargé des crimes contre l'humanité (OCLCH) et de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN).

- "Relevés techniques et auditions" -

"Constatations, relevés techniques, modélisations, auditions": ils ont assisté aux investigations des autorités judiciaires ukrainiennes demandées par la justice française pour faire avancer ses enquêtes.

"La collaboration des autorités judiciaires et policières ukrainiennes a été totale", salue le procureur, qui indique ne pas être allé "pour des raisons d'organisation et sécuritaires dans certains secteurs situés beaucoup plus à l'est".

Le Pnat avait jusqu'à présent très peu d'enquêtes ouvertes pour crimes de guerre. Il s'agit "d'une quasi innovation" selon M. Ricard, qui souligne par ailleurs à la fois les "difficultés" d'enquêter dans un pays "toujours en guerre", et les avantages pour les investigations que cela peut représenter.

"Pour la première fois, on met en place presque en temps réel, en période de guerre, une activité judiciaire", pointe-il.

Sont qualifiés de crimes de guerre les atteintes volontaires à la vie d'une personne protégée par le droit international humanitaire, les attaques délibérées contre une population civile en tant que telle, contre des biens à caractère civil, contre le personnel ou le matériel d'une mission humanitaire et la privation délibérée de biens indispensables à la survie de personnes civiles.

- Trois phases d'enquête -

Les enquêtes françaises portent sur "des faits très récents", pour lesquels il peut y avoir encore des "traces", des "preuves" dans un pays "où la population possède massivement du matériel numérique".

"Dans certains lieux des habitants étaient tout à fait aptes à donner leurs témoignages et avaient même des documentations numériques, des films, enregistrements en leur possession", dit-il de son déplacement dans l'oblast de Kiev.

En France, les réfugiés ukrainiens qui ont été témoins ou victimes de crimes de guerre peuvent se faire connaître dans n'importe quel commissariat ou gendarmerie et y transmettre des documents, qui pourront "alimenter" des procédures françaises, d'autres pays européens, en Ukraine ou de la Cour pénale internationale (CPI).

Les enquêtes, "nécessairement au long cours", ouvertes à Paris se déroulent en "trois phases": le "recueil" actuel des "preuves, sur le terrain", pour établir les "faits dans toute leur complexité". Puis les "recherches précises sur l'origine des actions qui ont occasionné ces crimes", ce qui a commencé pour certaines enquêtes. Enfin, la recherche de la "responsabilité" de ces crimes.

Jean-François Ricard se félicite par ailleurs de pouvoir s'appuyer sur une "police ukrainienne tout à fait structurée, qui sait travailler et qui a déjà ouvert plusieurs dizaines de milliers d'enquêtes de son côté".

Quant à la coopération avec les autorités judiciaires russes, "elle n’est pas à l’ordre du jour", commente-t-il sobrement.

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