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Dans Hauteville House, une restitution fidèle de l'exil de Victor Hugo

Hauteville House, maison de l'exil de Victor Hugo à Guernesey, rouvre dimanche au public après un an de travaux: une rénovation au forceps restituant la créativité méticuleuse d'un écrivain qui avait voulu faire d'elle une autre œuvre romanesque.

L'impression du visiteur devant l'entrée exiguë donnant sur une ruelle, les vestibules et escaliers étroits, n'est pas celle d'une fastueuse demeure comme par exemple la villa Arnaga d'Edmond Rostand à Cambo-les-Bains, mais plutôt d'une caverne surchargée de tapisseries et meubles sombres. Un imbroglio de symboles et d'énigmes.

La luminosité du troisième étage où se trouve le "look-out" en verrières, adjacent à une chambre modeste, fait contraste avec cette obscurité presque funèbre. L'écrivain y travaillait face à la mer et dormait dans un lit qu'il repliait, en compagnie d'une croix argentée que cet anticlérical croyant gardait près de lui.

Jardin d'hiver, galerie de chêne, salon rouge et salon bleu. Panneaux de laque chinoise, colonnades et stalles néo-gothiques, faïences et céramiques, le tout assemblé de manière hétéroclite: ainsi l'avait voulu l'exilé qui avait fait décorer et souvent peint lui-même un décor faisant écho à son puissant imaginaire.

En présence du bailli de l'île anglo-normande dont Hauteville House est l'attraction-phare, la maire de Paris, Anne Hidalgo, accompagnée de nombreux journalistes et du mécène et collectionneur François Pinault, est venue vendredi célébrer la réouverture de cette villa de 1.150 m2, où l'opposant à Napoléon III a écrit entre 1856 et 1870 plusieurs de ses chefs d’œuvres.

Avec, dans le jardin, un souvenir symbolique évoqué à l'heure du Brexit: Hugo y avait planté en 1870 "le chêne des Etats-Unis d'Europe"...

Hugo à Guernesey, c'est une "histoire profondément liée à Paris", a souligné Anne Hidalgo.

Les Hugo avaient cédé Hauteville House en 1927 à la Ville de Paris, et elle est gérée, comme sa maison de la Place des Vosges, par Paris-Musées.

- Légendes et obsessions -

Le chantier d'assainissement et de restauration a été rendu possible par les 3,5 millions d'euros déboursés par le mécène breton, alors que Paris-Musées contribue à hauteur de 800.000 euros. La Fondation du patrimoine a collecté 53.667 euros auprès de 363 donateurs.

"Au départ, notre ambition était modeste: rendre étanche un bâtiment en péril qui prenait l'eau, notamment du fait des adjonctions (comme le "look-out") qu'avait faites Hugo et qui avaient créé les fragilités", explique à l'AFP Delphine Lévy, présidente de Paris-Musées, alors que pluie et vent glacés balaient l'île.

"Une fois restauré le bâti, on s'est dit que c'était l'occasion de retrouver les décors d'origine. Il a fallu mener des recherches scientifiques. Les peintures n'étaient plus visibles. On a enlevé le badigeon blanc datant des années 50 sur la façade pour revenir à la patine grise d'origine", explique-t-elle.

"Ici même, François Pinault nous a demandé: quel est votre rêve? Faîtes-moi une proposition. C'était en septembre 2017. On a signé en avril 2018", dit-elle.

Hugo aimait retravailler les objets ordinaires, les détourner, leur apposer des légendes, dans ce qui était une œuvre d'art totale. Ainsi au deuxième étage, il crée un puits de lumière qui symbolise la montée vers l'illumination. D'un curieux candélabre, il veut faire un arbre de feu à travers lequel faire surgir le gaz.

Des inscriptions comme "Nox, Mors, Lux" ("nuit, mort, lumière") ou "Perge, surge" ("lève-toi, reste debout") disent ses obsessions.

Pour Gérard Audinet, directeur des maisons de Victor Hugo, Hauteville House est "une maison écritoire". "Des phrases avaient été effacées. Il fallait les reconstruire, retrouver l’œuvre telle qu'elle était sortie de ses mains."

Plus de 200 artisans ont travaillé sur les objets, sur place ou lors de leur transfert en région parisienne.

"Soit photos, soit dessins, soit descriptions dans ses lettres: Hugo a tout pensé lui-même, en dix ans de travaux", souligne Delphine Levy.

Comme les journalistes ont pu le constater en se bousculant dans les étroits couloirs, les visites -- 20.000 par an avant la rénovation entre avril et septembre -- posent le problème non résolu de la mise à distance des objets pour qu'ils ne s'abiment pas à nouveau. C'est pourquoi ces visites ne se feront que par groupes de dix.

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