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Dans les Balkans, la ruée vers l'or attise des craintes de pollution

Des projets de mine d'or en Roumanie et en Grèce suscitent de vives protestations alors que des scientifiques et écologistes estiment que les risques sont plus importants que les bénéfices promis.

En Roumanie, les groupes canadiens Gabriel Resources et Eldorado Gold espèrent lancer l'extraction d'or en 2016.

Eldorado Gold compte également ouvrir une mine en 2016 dans la presqu'île grecque de Chalcidique.

Ils promettent des milliers d'emplois et des milliards de dollars d'investissements dans des économies assoiffées de capitaux.

Mais experts et opposants soulignent que les mines à ciel ouvert laisseront de profondes cicatrices dans des régions pittoresques.

"A la différence d'autres secteurs, l'industrie minière crée peu d'emplois", indique à l'AFP l'analyste économique Razvan Orasanu.

A Rosia Montana (nord-ouest), Gabriel Resources promet 5,2 milliards d'euros de bénéfices pour la Roumanie et 900 emplois durant les 16 ans que durera l'extraction de 300 tonnes d'or.

Loin des 8.700 personnes de l'usine Dacia Renault et des milliers d'emplois de la sidérurgie, soulignent des analystes.

La mine, qui aboutira à la mutilation de quatre montagnes et nécessitera l'utilisation d'environ 12.000 tonnes de cyanure par an, pose des risques de pollution et menace des galeries minières romaines, selon les experts.

"Cette mine ne représente pas une solution de développement durable et ne résoudra pas les problèmes économiques et sociaux de la région", a souligné l'Académie roumaine, la plus haute instance scientifique du pays.

L'Académie a énuméré 21 arguments contre, dont le risque de séismes provoqués par l'utilisation d'explosifs ou de fuites d'un énorme lac de décantation.

"Ce projet est trop sensible pour un pays comme la Roumanie où les institutions ne sont pas préparées pour gérer un éventuel accident écologique", a déclaré à l'AFP l'analyste économique Cristian Grosu.

En attente d'un permis environnemental depuis une dizaine d'années, le projet avait suscité des protestations sporadiques.

Mais un projet de loi adopté en août par le gouvernement permettant à la société de contourner des lois pour mettre en oeuvre ses plans a déclenché une vague de contestation sans précédent.

Dimanche, plus de 20.000 Roumains sont encore descendus dans les rues pour crier leur opposition.

En Grèce, des manifestations parfois violentes ont éclaté contre le projet d'Eldorado Gold de creuser à proximité d'Olympiada, terre natale du philosophe Aristote.

La compagnie promet d'y investir un milliard de dollars d'ici 2016, l'un des plus gros investissements privés du moment dans un pays en crise, et de créer 4.200 emplois.

Habitants et écologistes, rejoints par l'opposition de gauche, dénoncent des risques pour l'environnement dans une région connue pour ses sites historiques et ses plages.

Eldorado prevoit également une mine à Certej (ouest de la Roumanie) mais son permis environnemental a été contesté en justice par le gouvernement.

"Nous n'avons pas d'autre choix que d'attendre la décision de justice," indique à l'AFP Nicolae Stanca, directeur de la filiale roumaine d'Eldorado, Deva Gold, assurant que la compagnie avait respecté à la lettre la législation.

Eldorado veut extraire 50 tonnes d'or et promet 800 emplois et 3,5 milliards de dollars de bénéfices pour la Roumanie.

Si en Chalcidique ou à Rosia Montana les habitants ne peuvent qu'imaginer les conséquences d'un désastre écologique, Baia Mare, ville du nord de la Roumanie, en a connu un lié à l'or, décrit à l'époque comme le pire après Tchernobyl.

En janvier 2000, quelque 100.000 m3 d'eau mélangée à du cyanure issus du traitement de l'or se sont déversés dans une rivière après la rupture d'un barrage, contaminant gravement le Danube.

Le groupe kazakh SAT&Co veut aujourd'hui rouvrir l'usine de traitement des déchets miniers fermée après l'accident.

"Nous avons construit une nouvelle usine de traitement des eaux et consolidé la digue", a déclaré à l'AFP le directeur Sergiu Chirca, évoquant des investissements de 70 millions de dollars pour extraire 5 tonnes d'or.

Mais le maire de Baia Mare Catalin Chereches est ferme.

"Nous ne voulons pas une répétition de la catastrophe de 2000," dit-il à l'AFP. "La vie des gens est en jeu et c'est ce qui compte le plus".

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