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De la contestation à l'écologie "réaliste", EELV en pleine mue

Ni à gauche, ni à droite mais "centrale": à l'occasion des Européennes, Yannick Jadot et EELV engagent l'écologie française sur la voie du "pragmatisme", espérant profiter de vents favorables en Europe pour renouer avec les scores à deux chiffres.

Machine arrière toute, après l'échec de la campagne présidentielle de Benoît Hamon, à laquelle EELV s'était arrimé : le parti ne sera plus dans l'ombre du PS. Dès l'été dernier, Yannick Jadot a pris la tête d'une liste autonome et refusé toutes les approches d'union à gauche. Objectif affiché: 15% des voix.

Les écologistes veulent d'abord profiter de la proportionnelle à un tour, un mode de scrutin propice à des listes séparées. Ils se sentent aussi portés par un contexte favorable - démission de Nicolas Hulot du gouvernement, initiatives citoyennes comme les marches pour le climat et "L'Affaire du siècle" qui se succèdent... Des encouragements leur viennent des écologistes allemands, belges et luxembourgeois, qui ont dépoussiéré leur image et beaucoup progressé dans de récentes élections intermédiaires.

En ressuscitant l'approche "ni-ni" d'Antoine Waechter à la fin des années 1980, les écolos français ont transformé leur discours. Finie l'écologie "des Cassandre courageux qui prêchent dans le désert", dixit le porte-parole Julien Bayou. Place à l'écologie de gouvernement, enfin centrale, qu'ils se jugent les plus à même d'incarner en raison de l'antériorité de leur combat.

- Fin du "romantisme" -

Favorable "à la libre entreprise et l'économie de marché", Yannick Jadot martèle son envie d'une "écologie positive, pragmatique", se concentrant sur les solutions concrètes comme les éoliennes en mer, la rénovation thermique des logements ou les cantines bio. "Les réalistes c'est nous, et ce qui est dogmatique c'est le charbon, le nucléaire, les pesticides", affirme-t-il à l'AFP. M. Jadot entend placer le "pôle écologiste" au centre du débat, entre "le pôle productiviste" englobant PS, LR et LREM et "le pôle populiste" représenté par le RN et LFI.

Bref, pour Yannick Jadot, "l'écologie ce n'est pas la gauche". Pour autant, souligne David Cormand, l'évolution d'EELV doit naturellement le conduire à placer ses concurrents de gauche sous son "leadership d'opposition au libre-échange et à l'extrême droite": "Pendant 40 ans ça a été le PS, puis Mélenchon a choisi l'hégémonie plutôt que le choix du rassemblement. Qui reste-t-il pour porter la responsabilité du leadership? Nous. Au XXIe siècle, ça va être à l'écologie politique de jouer le rôle des grandes matrices".

Depuis quelques jours, les sondages semblent confirmer qu'un "coup" est possible: EELV est au coude à coude avec La France insoumise, la dépasse parfois, au point que certains se prennent à rêver de rattraper Les Républicains. Le signe que la stratégie paye, estiment les cadres du parti.

D'autres se montrent sceptiques. "Il peut très bien y avoir un bon score aux Européennes, mais l'appareil du parti est en piteux état. Pour les municipales ça va être très compliqué", avance Pierre Serne, auteur de "Des Verts à EELV, 30 ans d'écologie politique" (Les Petits matins, 2014), cadre historique d'EELV passé chez Générations.

"Je ne suis pas persuadé que le pragmatisme écolo à l'allemande puisse marcher en France", ajoute-t-il, la culture écologiste hexagonale étant davantage imprégnée par "la question sociale, la défense des services publics et des migrants".

Les propos de M. Jadot sur les "gilets jaunes", selon qui "il faut que les manifestations du samedi s'arrêtent", ne font d'ailleurs pas l'unanimité en interne. "Il faut arrêter la violence mais pas leur dire d'arrêter de manifester", grince Michèle Rivasi, numéro 2 sur la liste EELV, auprès de l'AFP; "je me réjouis que les gens se réunissent pour manifester", glisse Julien Bayou.

Une contradiction logique pour Manuel Bompard, qui copilote la liste LFI: EELV veut "attirer les déçus du macronisme", "un électorat de classes moyennes supérieures et urbanisées, peu intéressé par la dimension sociale".

"Les écolos sont en train de passer d'une vision doctrinale, presque romantique, à une vision plus réaliste qui assume de manier les leviers de décision", salue de son côté le député et secrétaire national à l'Agriculture au PS Dominique Potier.

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