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De la viande polonaise impropre à la consommation découverte dans 13 pays de l'UE: que s'est-il passé?

La découverte de viande de boeuf polonaise impropre à la consommation dans 13 pays de l'Union européenne a relancé le dossier de la traçabilité sanitaire de la viande, certains acteurs estimant que le système d'alerte européen "n'est pas suffisant".


Que s'est-il passé dans l'abattoir de Kalinowo en Pologne ?

Quelque 2,7 tonnes de viande polonaise issue d'animaux illégalement abattus dans cet abattoir ont été vendues dans 13 pays (Allemagne, Finlande, Hongrie, Estonie, Roumanie, Suède, France, Espagne, Lettonie, Lituanie, Portugal, Slovaquie et République Tchèque) selon la Commission européenne. L'abattage illégal a porté au total sur 9,5 tonnes. En France, près de 800 kilos ont été expédiés, dont plus de 500 ont été retrouvés et détruits.

L'enquête d'un journaliste polonais a révélé que des marchands proposaient par petites annonces d'acheter des vaches malades, pour un prix très inférieur à celui des animaux sains. Des images de télévision ont révélé que des vaches paraissant très affaiblies étaient abattues de nuit dans l'abattoir en question par quelques employés de confiance, échappant ainsi aux contrôles vétérinaires officiels effectués de jour.


Est-ce que la viande est dangereuse pour la santé?

Les autorités polonaises affirment que la viande ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs. Pour la Direction générale de l'alimentation (DGAL) française, la viande polonaise est "impropre à la consommation", car "elle n'a pas fait l'objet des contrôles vétérinaires prévus, ni avant la mise à mort des animaux, ni sur les carcasses" a indiqué une responsable de la DGAL à l'AFP.


Comment est organisée la traçabilité de la viande française en France ?

En France, il est impossible de vendre de la viande française sans tampon vétérinaire, affirme Guy Hermouet, responsable de l'interprofession de la viande Interbev Bovins. La France compte 2.200 agents vétérinaires dans les abattoirs, qui font un contrôle de la bête sur pied, suivi d'un contrôle de carcasse, et qui accordent une note sanitaire aux abattoirs. La France compte quelque 200 abattoirs bovins et ovins, dont deux viennent d'être certifiés par la Chine, pays parmi les plus exigeants en matière sanitaire. Cinq sont en attente de certification chinoise.


Qu'en est-il dans le reste de l'Europe?

Tous les pays suivent la même règle, chaque intermédiaire de la chaîne alimentaire doit à tout moment être capable d'identifier ses fournisseurs et ses clients avec obligation de résultat. Mais chacun applique cette obligation de façon différente, et pour un professionnel qui a une dizaine de fournisseurs de viande, la traçabilité "peut prendre du temps en suivant des itinéraires complexes" indique l'un d'entre eux. Le réseau européen d'alerte RASFF, créé en 1979, fonctionne, mais sa réactivité a été plusieurs fois mise en cause, notamment lors de l'affaire du Fipronil dans les oeufs en 2017.

Pour le député européen Eric Andrieu, vice-président de la Commission de l'agriculture et du développement rural à Bruxelles, le système d'alerte européen "n'est pas suffisant". En matière de viande, le principal problème intra-européen repose sur l'identification de la viande utilisée dans les produits transformés par l'agroalimentaire (lasagne, raviolis..)

Une avancée récente repose sur l'expérimentation, autorisée depuis deux ans par l'UE, qui permet de spécifier sur l'étiquette le pays d'origine de la viande sur les plats cuisinés. L'expérience vient d'être renouvelée pour deux ans en France. Mais si certains industriels jouent le jeu, d'autres profitent d'une "faille réglementaire" pour continuer de donner l'information la plus floue possible (UE ou non-UE), déplore Olivier Andrault, de l'association de consommateurs UFC Que Choisir.

Dans le cas de la viande polonaise, les autorités françaises ont été alertées par les médias, et ont contacté elle-mêmes les autorités polonaises, puis elles ont été informées par le réseau européen. Dans le cas du Fipronil, les autorités sanitaires néerlandaises avaient "tardé à mettre en garde leurs homologues de Belgique et de la France" et donné le sentiment de vouloir "protéger une filière nationale", souligne M. Andrault.

"J'espère que cette affaire va réveiller les Européens avec des contrôles vétérinaires aux frontières, afin que les mêmes garanties soient offertes sur la viande importée que sur la viande made in France" a dit Guy Hermouet, d'Interbev.

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