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Des journalistes à Kiev célèbrent "la résurrection" de leur confrère Babtchenko

On rit, on se serre dans les bras, on boit du mousseux: des dizaines de journalistes se sont rassemblés mercredi soir sur la place centrale de Kiev pour célébrer la "résurrection" de leur collègue, le Russe Babtchenko dont le "meurtre" annoncé la veille s'est avéré être une mise en scène.

"C'est une histoire incroyable de résurrection", ironise le journaliste russe Pavel Kanygine, l'air encore sonné après s'être précipité à Kiev mercredi, comme plusieurs autres de ses confrères russes. "C'est un miracle, mais un miracle qui s'est avéré être une mise en scène!"

Après près de 24 heures de larmes et d'indignation, qui ont suivi l'annonce de son assassinat par balles dans son domicile à Kiev, Arkadi Babtchenko est réapparu vivant mercredi à la conférence de presse des services de sécurité ukrainiens, invraisemblable opération visant, selon Kiev, à déjouer son vrai meurtre commandité par la Russie.

Le rassemblement initialement prévu par les journalistes à la mémoire de leur collègue tué n'a pas été annulé, mais a tourné à la célébration de son "retour" à la vie.

Même si Arkadi Babtchenko n'est pas là - il serait reçu par le président Petro Porochenko - un groupe de journalistes travaillant pour des médias ukrainiens et internationaux boit à sa santé et fait des selfies, un autre ouvre une bouteille de mousseux.

"On se préparait aux obsèques. Beaucoup n'ont pas dormi de la nuit, on achetait des billets d'avions pour arriver (à Kiev) par le premier vol" depuis Moscou, raconte M. Kanyguine, qui travaille pour le journal russe Novaïa Gazeta.

- Coup porté à la confiance? -

Il se trouvait dans la rédaction de la télévision ukrainienne ATR, où travaille M. Babtchenko, quand celui-ci a fait son apparition surprise à la conférence de presse des forces de l'ordre consacrée à cette affaire.

"Tous les collaborateurs ont explosé, on hurlait +Hourra! Il est vivant+ C'était un moment incroyable, un des instants les plus heureux de ma vie ces dernières années", a dit M. Kanyguine. "Jamais de la vie, je n'ai perdu un de mes amis les plus proches pour le voir ressusciter aussitôt".

Cigarette aux lèvres et un gobelet de mousseux à la main, Igor Soloveï, rédacteur de la rubrique internationale du site ukrainien Lb.ua, est tout sourire. Il a appris la nouvelle par des amis qui lui ont téléphoné depuis l'ouest de l'Ukraine pour demander si c'était vrai.

"J'ai branché la télé et j'ai vu sa sortie féérique", dit Igor. "C'était un choc, j'étais debout et j'ai dû m’asseoir, je ne pouvais pas parler".

Beaucoup de professionnels de l'information s'interrogeaient cependant sur l'impact que cette opération allait avoir sur le travail des médias et notamment la confiance du public dans leur travail.

"Pendant 24 heures, on a tous diffusé des fake news" (fausses informations, en anglais), constate une rédactrice.

"Il existe évidemment l'opinion que c'est un coup porté à la confiance dans les services spéciaux, dans les forces de l'ordre et dans les médias", estime M. Kanyguine.

"Nous nous sommes tous unis autour de cette tragédie qui en réalité n'a pas eu lieu. Désormais, nos lecteurs ou spectateurs vont se poser des questions à chaque fois qu'on crie au loup", prédit-il.

Igor Soloveï a une vision plus optimiste. "C'est le mérite des services spéciaux ukrainiens d'avoir sauvé la vie à un homme bien". Pour lui, "Arkadi Babtchenko n'est pas un homme qui se laisserait entraîner dans des histoires douteuses".

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