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Dopage - Russie: des lanceurs d'alerte à la levée des sanctions, trois années de procédure

L'Agence mondiale antidopage (AMA) a levé jeudi la suspension de la Russie, à l'issue de trois longues années de procédure et d'un vaste scandale antidopage qui a mis la Russie au ban des nations sportives.

. Trois lanceurs d'alerte exilés

Le scandale débute le 3 décembre 2014, lors de la diffusion d'un documentaire sur la télévision publique allemande ARD. A l'aide des témoignages de Vitaly Stepanov, ancien employé de l'Agence antidopage russe (Rusada), et de son épouse Yuliya, ancienne athlète russe suspendue pour dopage pour deux ans en 2013, tous deux exilés aux Etats-Unis, l'enquête révèle un dopage systématique couvert par les autorités russes dans l'athlétisme.

L'extension du scandale à l'ensemble du sport russe est mise au jour par un troisième lanceur d'alerte: le 12 mai 2016, l'ancien directeur du laboratoire de Moscou, Grigory Rodchenkov, exilé aux États-Unis, explique au New York Times que les Jeux d'hiver de Sotchi 2014 ont été l'objet d'une triche à grande échelle, impliquant les services secrets russes. Au moins 15 médaillés russes étaient dopés, selon Rodchenkov.

. Enquêtes institutionnelles

Le 9 novembre 2015, le Canadien Richard Pound, ancien patron de l'Agence mondiale antidopage, publie son rapport sur l'athlétisme russe et les allégations des Stepanov. Ses conclusions sont accablantes: ces cas de dopage n'auraient "pas pu exister" sans l'assentiment du gouvernement.

Après les révélations de Rodchenkov en mai 2016, l'AMA confie au juriste canadien Richard McLaren une enquête. Le 18 juillet 2016, à moins de trois semaines de la cérémonie d'ouverture des JO-2016 à Rio, la première partie de son rapport provoque un séisme: un "système de dopage d'État" a touché 30 sports, entre 2011 et 2015, avec l'aide active des services secrets russes (FSB) et ce notamment lors des JO-2014 et des Mondiaux d'athlétisme de Moscou en 2013.

Le Comité international olympique (CIO) met en place le 19 juillet 2016 deux commissions, présidées par les Suisses Denis Oswald et Samuel Schmid, pour enquêter sur les JO-2014.

La seconde partie du rapport McLaren enfonce le clou le 9 décembre 2016: il étend la fraude à l'ensemble des grandes compétitions qui ont eu lieu durant la période 2011-2015, avec une "manipulation systématique et centralisée d'échantillons et d'ADN".

. Premières sanctions

L'agence russe antidopage (Rusada) est suspendue par l'AMA dès le 9 novembre 2015, décision maintenue à plusieurs reprises et enfin levée jeudi. Mi-décembre 2017, l'AMA envoie aux Fédérations internationales les noms des sportifs soupçonnés d'avoir bénéficié du système, un mois après avoir reçu une base de données sur les résultats des contrôles antidopage réalisés sur les sportifs russes entre 2012 et 2015.

La Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) suspend provisoirement la Fédération russe le 13 novembre 2015, sanction toujours en vigueur, ouvrant la voie à l'absence des athlètes russes aux JO-2016 à Rio. Le 21 juin 2016, le CIO accède à la requête de l'IAAF d'autoriser les athlètes russes repêchés sous de très strictes conditions de concourir sous bannière neutre. De fait, il n'y en aura qu'une: Darya Klishina, au saut en longueur.

Le 24 juillet 2016, contrairement à la demande du patron de l'AMA Craig Reddie, le CIO ne suspend pas le Comité olympique russe (ROC) pour Rio. L'instance confie aux fédérations internationales le soin d'interdire de Jeux les sportifs qui ne pourraient prouver être +propres+

Le 5 août 2016, 276 sportifs russes sont autorisés à défiler au Maracana pour la cérémonie d'ouverture, seulement une centaine (111) ont été exclus.

. Drapeau neutre, retraits de médailles

En novembre et décembre 2017, la commission Oswald auditionne 46 sportifs russes. Bilan: 43 sportifs bannis à vie des Jeux, soit 20% de la délégation engagée à Sotchi. Treize médailles (sur 33), dont quatre titres olympiques (sur 13) sont retirés à la Russie.

Le Tribunal arbitral du sport (TAS) casse toutefois une partie des sanctions le 2 février 2018, à dix jours de l'ouverture des JO-2018 à Pyeongchang.

Le 5 décembre 2017, face aux conclusions accablantes de la commission Schmid qui confirme un dopage institutionnalisé, le CIO suspend le ROC pour dopage, une première dans l'histoire olympique. Vitali Moutko, vice-Premier ministre russe et ancien ministre des Sports au moment des JO-2014, est banni à vie des JO.

Une délégation de 169 sportifs de l'équipe des "Athlètes olympiques de Russie" (OAR), privée de stars comme Anton Shipulin (biathlon), Sergei Ustyugov (ski de fond) et Viktor Ahn (short-track), prend part à la cérémonie d'ouverture des JO-2018, contre 214 à Sotchi.

Les athlètes OAR défilent pour la cérémonie de clôture sous bannière neutre, en raison de deux cas positifs en Corée du Sud. Trois jours après, le 28 février, le CIO lève toutefois la suspension du ROC.

. Vers un retour dans le giron sportif?

La levée de la suspension de la Rusada par l'AMA jeudi, loin de faire consensus (deux personnes sur quinze ont voté contre), marque un pas important vers un retour de la Russie dans le giron sportif mondial.

L'AMA a toutefois conditionné sa décision à un strict respect d'un calendrier: un accès à la base de données électroniques du laboratoire de la Rusada à Moscou d'ici au 31 décembre 2018, et d'éventuelles "réanalyses" d'échantillons avant le 30 juin 2019 ainsi qu'un audit de la Rusada. La fédération internationale d'athlétisme se prononcera elle sur la réintégration de la Russie en décembre prochain, lors du prochain conseil de l'IAAF, le gouvernement de l'instance, à Monaco.

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