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En Espagne, les partis en campagne s'emparent de la Journée des femmes

A l'approche d'une nouvelle mobilisation pour les droits des femmes le 8 mars, le féminisme est au centre des débats entre les partis espagnols, de la gauche à l'extrême droite, déjà en campagne électorale.

Syndicats, associations féministes et partis de gauche ont appelé à un arrêt de travail d'au moins deux heures vendredi, espérant rééditer la grève et les manifestations massives de l'an dernier qui avaient mobilisé des millions de personnes à travers le pays.

Mais cette année, le mouvement intervient à quelques semaines des législatives anticipées du 28 avril et des européennes, municipales et régionales du 26 mai.

A coups de vidéos et de slogans, le Parti socialiste (PSOE) du chef du gouvernement sortant Pedro Sanchez martèle son engagement féministe et son bilan en matière d'égalité.

Vendredi, lors de son dernier conseil des ministres, le gouvernement le plus féminin de l'histoire du pays a encore approuvé une série de mesures en ce sens: allongement progressif du congé paternité pour qu'il soit égal au congé maternité en 2021, plus de transparence sur les salaires dans les entreprises...

Objectif affiché: réduire les inégalités salariales entre hommes et femmes qui étaient de 14,2% en Espagne et de 16,2% dans l'UE en 2016, selon les dernières données d'Eurostat.

- L'extrême droite contre-attaque -

Pour les socialistes, l'objectif est de "situer le débat sur des sujets sociaux: féminisme, redistribution, pauvreté", estime Cristina Monge, politologue de l'université de Saragosse interrogée par l'AFP. Car ce sont, juge-t-elle, "des discours plus propres à la gauche" que la défense de l'unité de l'Espagne face à l'indépendantisme catalan, sujet central de la campagne et favorable à la droite.

Dans le pays au puissant mouvement féministe, 77% des personnes jugent la grève du 8 mars justifiée, selon un sondage de l'institut Metroscopia publié lundi.

Mais cette part a diminué -de 5 points- en un an, notamment parmi les sympathisants de droite, alors que le parti d'extrême droite Vox, à la popularité croissante, porte un virulent discours antiféministe.

Vox, qui pourrait être décisif pour constituer une éventuelle majorité de droite après les législatives, s'oppose notamment à la loi contre les violences sexistes qu'il juge "idéologique" et "discriminatoire" envers les hommes.

Un bus de l'organisation catholique ultraconservatrice Hazte Oir ("Fais-toi entendre") comparant les féministes aux nazis, agrémenté d'un montage photo de Hitler avec maquillage, rouge à lèvres et logo féministe violet sur le couvre-chef, arpente depuis plusieurs jours les rues des grandes villes du pays.

Malgré la demande du parquet de Barcelone, qui y voyait une provocation à la haine et à la discrimination, la justice a refusé mardi de l'immobiliser.

Et le 10 mars, une contre-manifestation a été convoquée à Madrid à l'appel de "Women of the World Global Platform" - qui regroupe notamment des organisations catholiques et anti-IVG - au nom "de femmes, d'hommes et de familles qui rompent avec un féminisme rance et démodé", selon sa porte-parole Leonor Tamayo, également présidente d'une association anti-avortement.

- "Féminisme libéral" -

A droite, le Parti populaire (PP) et Ciudadanos veulent se démarquer de ce discours, sans pour autant appeler à participer aux mobilisations du 8 mars.

Le parti de centre-droit Ciudadanos a ainsi présenté dimanche un manifeste pour un "féminisme libéral". "Personne n'a le monopole du féminisme", a défendu sa porte-parole Inés Arrimadas.

Le PP a également mis en sourdine le discours critique sur l'IVG de son président Pablo Casado et parle désormais de résorber les inégalités salariales et de favoriser l'entrée des femmes sur le marché du travail.

"Ne les laissons pas parler à notre place", a affirmé en référence à la gauche la présidente sortante de la chambre des députés, Ana Pastor, dans une vidéo de campagne du parti conservateur.

"C'est une preuve tangible que l'étiquette du féminisme est installée et est vendeuse" politiquement, estime Cristina Monge. "Beaucoup de gens de droite (...) ne se mettront peut-être pas un ruban violet le 8, mais ne tolèreront pas non plus que leurs partis s'y opposent".

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