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En Lettonie, des volontaires s'entraînent l'arme à la main face à une Russie "imprévisible"

Le bruit des tirs est assourdissant. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le terrain d'exercice de Mezaine, dans l'ouest de la Lettonie, ne désemplit pas et le nombre de volontaires souhaitant s'engager dans la Garde Nationale a été multiplié par quatre.

"Lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, toutes les valeurs européennes ont été mises en danger", dit, entre deux salves à balles réelles, Dita Danosa, directrice d'un centre letton de design.

"J'ai vraiment senti que je ne pouvais pas rester passive et juste regarder la télévision", confie cette femme de 49 ans en tenue de combat, porte-chargeurs de cartouches attachés à sa ceinture, "j'ai décidé que la Garde Nationale était ma place".

- "Histoire d'occupation" -

Ancienne république soviétique revenue à l'indépendance en 1991, la Lettonie a "une histoire d'occupation". "Nous savions donc que cela pouvait arriver (...), c'est une situation qui nous touche directement", souligne-t-elle.

Tout en se déclarant rassurée par l'appartenance de son pays à l'Otan et à l'Union européenne, elle dit se sentir menacée car "l'agressivité de la Russie est imprévisible".

Mme Danosa suit à Mezaine, un des sites d'entrainement de la Garde Nationale, une formation de base.

L'endroit est symbolique. Pendant la guerre froide, ce terrain abritait la base de l'armée soviétique Skrunda-1 avec deux énormes radars destinés à l'alerter sur une éventuelle attaque balistique de l'Ouest. Un troisième radar, encore plus important, n'a jamais été achevé. En 1995, l'imposante bâtisse a été dynamitée, Riga ayant décidé de se débarrasser de ce symbole de l'occupation soviétique.

Aujourd'hui, quelques bâtiments en briques blanches abandonnés servent à des entrainements à la guérilla urbaine.

Un groupe armé s'approche d'un de ces immeubles. Un soldat s'appuie contre le mur et baisse la tête. Un par un, ses camarades posent leurs pieds, comme sur des marches, sur son épaule, puis sur son casque, avant de pénétrer par la fenêtre dans l'appartement du rez-de-chaussée. Le tout en quelques secondes.

- La plus grande composante militaire -

Créée en 1991, la garde nationale lettone, Zemessardze, est la plus grande composante des forces armées de ce pays balte d'environ 1,8 million d'habitants. Comptant quelque 9.600 volontaires, divisée en quatre brigades, elle constitue la réserve de l'armée lettone forte d'environ 6.000 soldats professionnels.

"Depuis le début de la guerre, nous avons reçu environ 3.500 candidatures, et 4.000 depuis le début de l'année", contre 700 à 1.000 les années précédentes, déclare à l'AFP Egils Lescinskis, commandant en chef de Zemessardze. Environ 20% des volontaires sont des femmes.

Après s'être portés volontaires, subi des examens médicaux, psychologiques et de sécurité, les territoriaux prêtent serment et signent un contrat à durée indéterminée, avant de passer un premier entrainement de 21 jours, le plus souvent étalé sur sept week-ends.

"Nous devons tenir compte de la vie privée des gens, car ils ont tous un emploi, une famille, etc", explique le commandant.

- "Protéger nos proches" -

Lors de l'entrainement de base, on apprend "tout, depuis la survie de base jusqu'à la compréhension de ce qu'est la guerre, comment prendre les armes ou même comment se présenter ou communiquer avec les gens, comment se comporter dans des situations exceptionnelles au sein de la société ou lors des combats", précise Rudolfs Aboltins, un des volontaires à Skrunda.

Comme nombre d'autres, il a décidé de s'engager après l'invasion de l'Ukraine. Même s'il déclare ne pas se sentir directement menacé, "entendre parler des atrocités de Boutcha, Irpin ou ailleurs en Ukraine" lui prouve que "ce que je fais en ce moment pourrait avoir de l'importance dans le futur".

"Nous avons pris les armes et commencé à apprendre à tirer parce que nous voulons être capables de protéger nos proches", explique-t-il.

Après ce premier entrainement, il suivra, comme Mme Danosa, une formation spécialisée en communication civils-armée.

D'autres pourront, s'ils souhaitent continuer, devenir tireurs d'élite, opérateurs d'armes antichars, spécialistes en transmissions, etc.

Juris Kukulis, 35 ans, entrepreneur, en son dernier week-end d'entrainement à Skrunda, a vu sa décision de s'engager approuvée par sa femme.

"Elle a dit qu'au moins un membre de la famille doit s'inscrire et acquérir des compétences de base pour que si quelque chose arrive, on sache quoi faire", déclare ce père de deux fils de 5 et 12 ans.

Cachés à la lisière de la forêt, pratiquement invisibles avec leur tenue de camouflage et visage peint, une trentaine de soldats s'entraine à attaquer un convoi.

Concentrés, mitraillette à la main, ils attendent dans un silence absolu. Pour ne pas se faire remarquer par l'ennemi, ils communiquent par gestes ou avec un fil tiré entre eux.

Une fois la voiture arrivée, une canonnade explose. Au bout de plusieurs secondes, le klaxon retentit longuement. Le chauffeur, la tête sur le volant, fait semblant d'être mort.

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