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En Malaisie, le combat pour sauver un créole hérité du portugais

"Bunitu siara siorus", "bong atardi mestri!": à Malacca, ville historique du sud de la Malaisie, des enfants entonnent des chants dans un créole mâtiné de malais et de portugais, une tentative pour freiner le déclin de cette langue vieille de 500 ans.

Sara Santa Maria, enseignante de 50 ans, dispense chaque semaine des cours de "papia kristang", une langue parlée par les personnes d'origine lusano-malaisienne.

"J'ai réellement peur que le kristang disparaisse", confie-t-elle à l'AFP, entourée d'enfants vêtus de costumes traditionnels colorés.

Le kristang est apparu il y a près de 500 ans, lorsque les Portugais ont conquis en 1511 le port stratégique de Malacca, ville au coeur d'un commerce lucratif d'épices.

La langue emprunte la majorité de son vocabulaire au portugais, mais sa structure grammaticale est similaire au malais et puise ses influences parmi des dialectes chinois et indiens.

Après 100 ans de domination portugaise, la ville est prise par les Néerlandais, puis par les Britanniques, jusqu'à l'indépendance de la Malaisie en 1957.

Entre immeubles aux briques rouges et anciennes fortifications à Malacca, les vestiges coloniaux dont les touristes sont friands sont encore nombreux.

Mais le kristang, lui, est menacé d'extinction. Ce créole n'est pas enseigné à l'école et ses locuteurs eurasiens sont peu à peu absorbés par la communauté malaisienne qui ne pratique pas cette langue.

- "Une partie de mon identité" -

L'Unesco qui répertorie les langues menacées de disparition, classe le kristang comme étant "sérieusement en danger" d'extinction et estime qu'à peine plus de 2.000 personnes le parlent encore.

Comme le kristang, l'agence onusienne considère que la moitié des 6.000 langues parlées dans le monde disparaîtront d'ici 2100.

En attendant, il résonne encore dans certains quartiers de Malacca, comme à Ujong Pasir, l'un des lieux où s'étaient établis les descendants des colons portugais en Asie.

"Ma femme et moi le parlons avec nos cinq enfants, 11 petits-enfants et avec notre arrière petit-enfant de 2 ans, afin qu'elle perdure", affirme à l'AFP Stanley Goonting, un pêcheur à la retraite âgé de 72 ans, en confiant sa crainte de voir cette langue disparaître.

Comme les cours musicaux de Mme Santa Maria, de nombreuses initiatives sont prises pour tenter d'en raviver la pratique: un manuel de kristang, une application mobile, un CD de chants catholiques...

A Singapour, pays voisin, Kevin Martens Wong a déjà enseigné ce créole à des centaines d'étudiants. Ses grands-parents le parlaient mais lui l'a appris bien plus tard.

"Il m'a fallu beaucoup de passion et d'ardeur à la tâche pour le maîtriser et le transmettre", raconte-t-il.

Sara Santa Maria peut se réjouir: le kristang suscite aussi beaucoup d'enthousiasme parmi ses élèves, confie-t-elle.

"Le kristang fait partie de mon identité, de ma culture", affirme Gabriella Amber, 12 ans, après cinq ans d'apprentissage. "Je veux le préserver."

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