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Enfin stabilisée au pouvoir, Merkel vient à Paris parler d'Europe avec Macron

Enfin réinstallée dans son rôle de chancelière après des mois de tractations politiques, Angela Merkel se rend pour sa première visite officielle à Paris où Emmanuel Macron l'attend de pied ferme pour aborder ses ambitieuses réformes européennes.

"Certainement un jour que Macron attend depuis longtemps", relève Sébastien Maillard, directeur de l'institut de recherche européen Jacques Delors. Mme Merkel rencontrera M. Macron en fin d'après-midi.

Dans l'Europe du Brexit, de la victoire des anti-système en Italie, de l'Espagne embourbée dans sa crise catalane, le "moteur franco-allemand" ne peut pas se permettre de caler s'il veut faire progresser son projet européen.

D'autant que certains pays s'agacent de ce leadership incontournable: "ça ne veut pas dire que nous, ou d'autres pays de l'UE, trouvons bien tout ce sur quoi les Allemands et les Français se mettent d'accord. On ne va pas juste acquiescer", a prévenu vendredi le Premier ministre néerlandais, le liberal Mark Rutte.

- 'Sentiment d'urgence' -

"Il y a un sentiment d'urgence partagée" des deux côtés du Rhin pour tenter de redonner du lustre à l'Europe, à un peu plus d'un an d'élections européennes qui pourraient installer en force au Parlement européen des formations eurosceptiques, selon M. Maillard.

"Nous sommes bousculés, l'audace est notre seule réponse" pour sortir l'Europe de la "glaciation", avait lancé en septembre Emmanuel Macron lors d'un discours à la Sorbonne. Depuis, il attendait qu'une Angela Merkel affaiblie politiquement, privée de majorité parlementaire, mette laborieusement sur pied sa coalition gouvernementale. C'est formellement chose faite depuis mercredi.

"Mme Merkel est tout à fait consciente que M. Macron attend depuis un certain temps une réponse (...) Se rendre immédiatement en France est donc le signe qu'elle (Mme Merkel) prend les propositions de M. Macron très au sérieux", estime la politologue Sabine von Oppeln, de l'Université libre de Berlin.

Mais certains sujets sont plus faciles et consensuels que d'autres. Soucieux d'envoyer un message mobilisateur, les deux dirigeants devront trouver "plusieurs points de ralliement entre les deux pays", estime Mme von Oppeln.

- Consensus et divergences -

M. Maillard voit trois thèmes sur lesquels ils pourraient s'entendre: la crise migratoire, la taxation des géants du net et la défense de l'Etat de droit.

Sur l'immigration, "les deux pays sont conscients que ce thème sera au centre des prochaines élections européennes (...), il y a un terrain où ils peuvent se retrouver", estime-t-il, alors que le sujet a pesé lourd dans les récentes élections italiennes.

Recevant à Berlin le Premier ministre suédois Stefan Lofven avant de prendre le chemin de Paris, Mme Merkel a insisté: "je me réjouis d'entendre M. Lofven dire que le temps presse, nous devons essayer de négocier un système (d'asile) pertinent d'ici juin".

Le calendrier est aussi important pour la taxation des géants du net, car la Commission va présenter son projet sur le dossier le 21 mars.

En revanche, "cela risque de coincer au niveau de la réforme de la zone euro car les deux pays ont des cultures économiques différentes qui ne s'accordent pas toujours", pointe Mme von Oppeln.

Emmanuel Macron souhaite notamment l'installation d'un ministre et d'un budget de la zone euro.

"Nous sommes tout près de parvenir à des accords. Mais il y a des difficultés techniques qui restent, qui ont des incidences politiques, financières, économiques très lourdes", a déclaré vendredi le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, après avoir vu à Paris son homologue allemand, Olaf Scholz, qui lui a insisté sur l'importance d'un progression "par étapes".

"Nous estimons, Olaf comme moi, qu'il serait irresponsable de négliger ces difficultés", a-t-il ajouté.

- Merkel sous surveillance -

"La grande question est de savoir combien d'argent doit être investi dans la zone euro, les avis peuvent se rapprocher mais le montant sera difficile à trouver (...) Sans oublier la question du ministre européen de la zone euro qui risque de crisper côté allemand", selon Mme von Oppeln.

Mme Merkel se sait surveillée par une partie de sa coalition. "Nous avons décidé dans notre accord de coalition que nous étions disposés à payer un peu plus pour le budget. Bien sûr, cela ne signifie pas que tous les souhaits seront exaucés", a déclaré vendredi à la mi-journée Mme Merkel.

Autre sujet sensible: l'Europe de la Défense que les deux pays veulent relancer, à la fois par des projets industriels communs comme celui du futur avion de combat européen, lancé en juillet, et par une coopération militaire renforcée. Sur ce dossier, Mme Merkel devra être persuasive pour surmonter les traditionnelles réticences allemandes envers les engagements militaires.

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