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Fin des memorandums? Les Grecs partagés entre soulagement et inquiétude

Un éventuel accord jeudi des ministres des Finances de la zone euro sur la fin des purges imposées à la Grèce depuis huit ans par ses créanciers, réjouit une partie de la population mais d'autres restent incrédules, voire inquiets.

"J'imagine qu'après tout sera mieux, on aura plus d'argent, plus d'emploi, tout le monde sera heureux" rêve Antonis Vourlias, un étudiant en physique de 19 ans.

Il a vécu la moitié de sa vie sous le joug des réformes, notamment les baisses de salaires et pensions, contenues dans les trois memorandums successifs imposés au pays par l'UE et le FMI contre 270 milliards d'euros de prêts.

"J'étais petit" quand la tutelle des créanciers a commencé, "mais je m'en souviens", dit-il, notamment des sacrifices de sa famille pour lui offrir une école privée car "les conditions du public étaient très mauvaises" à cause de la crise.

Une quinquagénaire, employée de banque, acquiesce: "Bien sûr que je suis contente. Après toute la pression, les souffrances que nous avons subies, il y a de grandes chances qu'on ait à présent une expansion de notre économie", assure-t-elle.

Sur le papier, la crise qui a fait perdre au pays 25% de son PIB en moins d'une décennie semble achevée. La croissance du PIB est repartie, +1,4% en 2017 et 1,9% prévus cette année.

- "Crise pas finie" -

Le chômage est toujours de loin le plus élevé d'Europe, à 20,1% en mars, mais, après avoir frôlé 28% en 2013, il décroît régulièrement. Le nombre de permis de construire, divisé par six entre 2008 et 2017, est en hausse, tout comme la production industrielle, tandis que le tourisme bat record sur record chaque année.

Mais Constantinos Kavagas, 24 ans, un diplômé en administration des affaires qui gagne péniblement 520 euros par mois à distribuer cinq heures chaque jour des prospectus publicitaires, ne sent guère d'amélioration.

"Tout ça c'est bidon, il y aura de nouvelles mesures (d'austérité). C'est un truc du gouvernement pour obtenir des voix, mais la vérité c'est que la vie est pire et sera pire encore".

"Il y aura de nouvelles coupes (dans les salaires et les pensions), de nouveaux impôts. La crise n'est pas finie", renchérit Vangelis, 38 ans, soldat dans la Marine grecque.

Tous les récents sondages en Grèce montrent un retard constant d'une dizaine de points du parti au pouvoir Syriza sur son rival conservateur Nouvelle Démocratie.

C'est la traduction du désappointement de la population face à un gouvernement de gauche arrivé en janvier 2015 pour "en finir avec les mémorandums", mais dont le Premier ministre Alexis Tsipras n'a eu d'autre choix que d'en signer un troisième en juillet suivant.

- "La surveillance, ça me plaît" -

La politique, c'est ce qui inquiète Nikolaos Glytsos, 82 ans, qui exerce toujours sa profession de chercheur en économie. L'Eurogroupe de jeudi? "Ca m'intéresse beaucoup, mais le problème c'est la mentalité grecque".

Il craint en effet qu'à la fin du programme, le gouvernement Syriza, comme beaucoup avant lui dans le pays, ne se mette "à distribuer de l'argent pour gagner des voix". "Beaucoup de Grecs craignent cela", assure-t-il.

Les créanciers du pays entendent parer à tout dérapage en instaurant une surveillance post-programme, que l'opposition grecque qualifie régulièrement de quatrième programme déguisé, et sans versements d'argent cette fois.

Mardi, le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici a jugé qu'il serait "indécent" d'imposer un dispositif "tâtillon et intrusif" à Athènes, et promis une solution à mi-chemin "entre le trop peu et le trop".

Le 12 juin à Athènes, le directeur général du Mécanisme européen de stabilité, Klaus Regling, a prévenu cependant que le programme de surveillance serait "plus serré et complet" que dans d'autres pays sortis de crise, eu égard notamment à la taille des prêts à rembourser.

Avec "des politiciens dont je ne crois pas qu'ils puissent être sensés ou raisonnables, cette surveillance, ça me plaît", tranche Nikolaos.

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