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Giacometti sculpteur au Musée Maillol: un parcours du visage... au visage

Alberto Giacometti, le sculpteur de l'Homme qui marche et des silhouettes filiformes, ne serait-il pas aussi et surtout un sculpteur passionné, obsédé des visages, depuis son adolescence jusqu'à sa mort, comme l'illustre l'importante exposition du Musée Maillol à Paris.

Jusqu'au 20 janvier, l'exposition "Giacometti, entre tradition et avant-garde" présente cinquante sculptures de l'artiste suisse mort en 1966. Elle sont confrontées à 25 œuvres d'autres artistes majeurs, qui l'ont précédé, lui servant de maître, ou qui ont travaillé avec lui: Rodin, Bourdelle, Maillol, Despiau, et aussi Brancusi, Lipchitz, Zadkine Csaky, représentant des avant-gardes parisiennes.

Le parcours est chronologique, chaque collaboration et chaque rupture marquant une étape du mûrissement de la carrière de Giacometti.

Dans les années 1910, à Borgonovo, au fin fond de la Suisse italophone, ce fils du peintre impressionniste Giovanni Giacometti (1868-1933) commence, adolescent, à sculpter les visages de membres de sa famille ou d'un camarade de classe. Il a seulement 13 ans en 1914 quand il reproduit le visage de son frère Diego, dans une oeuvre où il maîtrise parfaitement la finesse délicate des traits. Sa toute première œuvre.

Déjà dans ces premiers bustes, il ajoute des traces de peinture sur ses sculptures, un trait inspiré des statues romaines et égyptiennes, qui sera une de ses marques au long de sa carrière. Plus tard il travaillera certains de ses visages au canif, ce qui en accentuera l'humanité blessée avec ses rides et ses cicatrices.

Une autre caractéristique dès le début: un socle parfois plus important que la sculpture, qui fait véritablement partie de l’œuvre. De même que la peinture a un cadre, le socle, pour lui, replace l’œuvre dans l'espace.

- Court passage chez Breton -

Elève de Bourdelle et de Rodin, il se formera à l'Académie libre de la Grande Chaumière, balançant longtemps entre une vision traditionnelle et classique et une vision avant-gardiste.

Il se rapprochera des surréalistes réunis autour d'André Breton jusqu’au milieu des années 30. Période pendant laquelle il puisera dans les arts primitifs, avec des figures plates et épurées proches de l'abstraction, comme la Femme qui marche, et où il créera des figures humaines géométrisées, se rapprochant des cubistes. Mais Breton l'intraitable le rejettera en 1935, et il s'en trouvera bien aise. Il confiera qu'il s'était trouvé face à un mur avec le surréalisme.

Pour Thierry Pautot, commissaire associé de l'exposition, qui dirige la recherche à la Fondation Giacometti, l'artiste "a capturé l'essence même du visage, parfois de la même personne à des âges différents. C'est la figure humaine qui l'intéresse".

Si la sculpture s'étire vers le haut, s'il créée des forêts de femmes-arbres filiformes, le visage, même minuscule, reste presque toujours sa priorité, et ses œuvres ultimes ne sont pas les moins touchantes, rappelant l'ingénuité expressive du créateur de 13 ans.

En 1963, il écrivait: "Mais l'aventure, la grande aventure, c'est de voir surgir quelque chose d'inconnu chaque jour dans le même visage. Cela vaut tous les voyages".

Le très modeste atelier dans le quartier parisien de Montparnasse, où on peut voir Giacometti à l’œuvre et qui peut se visiter aujourd'hui, est évoqué par des photographies d'artistes de grand renom comme Brassaï, Denise Colomb, Sabine Weiss ou Herbet Matter.

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