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Grève générale sans précédent pour les femmes en Espagne

Des millions de personnes en Espagne se sont mobilisées jeudi pour les droits des femmes, en participant à une grève générale "féministe" sans précédent dans le pays et à d'énormes manifestations à Madrid comme à Barcelone.

Dès le matin, la radio la plus écoutée par les Espagnols, la Cadena Ser, avait perdu ses voix féminines. A la télévision, des stars des émissions matinales avaient spectaculairement déserté les plateaux.

Dans les gares, 300 trajets de trains avaient été annulés pour cause de grève et toute la journée, les métros de Madrid et Barcelone circulaient moins fréquemment.

En début de soirée, à Barcelone, quelque 200.000 personnes ont défilé aux cris de "vive la lutte féministe", selon la police. Et au même moment, le violet - couleur traditionnelle du féminisme - dominait à Madrid les cortèges de centaines de milliers de manifestantes de tous âges, parfois accompagnées d'hommes.

Les pancartes disaient: "Mon corps ne veut pas de ton opinion", "nos culs ne sont pas à vous" ou encore "la pornographie crée des meutes", comme en référence à un fait divers retentissant de l'an dernier: le viol collectif d'une femme par une bande de jeunes hommes qui se surnommaient eux-mêmes "la meute" et s'étaient filmés en action.

Une nouvelle génération de féministes débordait l'avenue madrilène Gran Via: des groupes de filles d'une vingtaine d'année, choquées par les viols et assassinats de femmes relatés au quotidien dans les médias.

L'an dernier, 49 femmes ont été tuées par leur compagnon ou leur "ex" en Espagne, soit cinq de plus qu'en 2016.

"Nous voulons être vivantes, pas courageuses", avait écrit sur sa pancarte Carla Maderuelo, étudiante en stylisme de 21 ans, rêvant "qu'on éduque l'humanité pour qu'il n'y ait plus de danger et non pas qu'on éduque les femmes à faire attention" quand elles rentrent le soir.

L'Espagne est cependant pionnière dans la lutte contre les violences faites aux femmes, s'étant dotée dès 2004 d'une loi spécifique, présentée comme un "modèle" par le Conseil de l'Europe.

L'appel de syndicats et d'organisations féministes visait à revendiquer l'égalité hommes-femmes "réelle", et notamment en matière de contrats et de salaires.

Selon Eurostat, les femmes sont payées en moyenne 14,2% de moins que les hommes en Espagne - un peu mieux que la moyenne européenne (16,2%) selon Eurostat.

Mais beaucoup se plaignaient aussi de "subir" l'emploi précaire ou à temps partiel.

Pilar Cazorla, représentante du collectif de femmes de chambres d'hôtels "Las Kellys", dénonçait le fait que beaucoup gagnent seulement entre deux et trois euros par chambre nettoyée et soient soumises à un stress puissant.

- 'Comportements machistes inacceptables' -

Les deux principaux syndicats espagnols, UGT et CCOO, avaient appelé à un arrêt de travail de deux heures, observé selon eux par "5,9 millions de travailleurs et travailleuses" à travers le pays.

Dix autres syndicats avaient appelé à une grève toute la journée, inspirée d'un mouvement similaire en Islande en 1975.

Une grève totale qu'avait suivie Pilar Lahoz, 35 ans, employée d'une coopérative à Barcelone, qui manifestait en soirée à Madrid avec la pancarte clamant "sans nous, le monde s'arrête". Elle regrettait, par exemple, qu'avant même le stade de l'entretien d'embauche, on demande à la femme candidate "si elle pense avoir des enfants", mais jamais à l'homme.

Des femmes ne pouvant faire grève - telles les gardes à domicile veillant sur des personnes âgées ou des enfants - avaient accroché symboliquement des tabliers aux balcons en signe de mobilisation.

Les déclarations de deux femmes ministres - se disant en faveur d'une "grève à la japonaise" consistant à travailler encore plus ce 8 mars, avaient scandalisé à gauche.

Mais le chef du gouvernement, le conservateur Mariano Rajoy, s'était démarqué de leurs propos: "La journée d'aujourd'hui sert à lancer un débat et à nous faire, à tous, prendre conscience", a-t-il déclaré, ruban violet à la boutonnière.

La numéro deux du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria a de son côté assuré qu'il restait "encore bien des choses à changer, car même les vice-présidentes du gouvernement doivent subir des comportements machistes inacceptables".

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