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Italie: le recensement des Roms prôné par Salvini suscite malaise et indignation

Le recensement des Roms voulu par le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini, homme fort du nouveau gouvernement et patron de la Ligue (extrême droite), suscitait mardi l'indignation de l'opposition et le malaise jusqu'au sein de la coalition au pouvoir.

La Commission européenne, pressée de questions sur le sujet, a rappelé mardi qu'on ne pouvait pas, "en règle générale, expulser un citoyen européen sur la base de critères ethniques".

Mais les réactions les plus vives aux déclarations de M. Salvini, qui a le rang de vice-Premier ministre, sont venues d'Italie, y compris au sein du nouveau gouvernement populiste.

L'autre vice-Premier ministre Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème) allié à la Ligue dans cette coalition gouvernementale, a ainsi rappelé que le recensement d'une partie de la population sur une base ethnique était contraire à la loi italienne.

"Cela me fait plaisir que Salvini ait démenti toute hypothèse de fichage et de recensement des immigrés parce que si une chose est inconstitutionnelle, elle ne peut se faire", a-t-il déclaré lundi soir lors d'une conférence de presse.

Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte a abondé dans ce sens mardi en début de soirée, dans un communiqué envoyé juste avant de se rendre à une réception du Vatican: "personne ne prévoit de faire des dossiers ou des recensements sur une base ethnique, ce qui serait inconstitutionnel parce que manifestement discriminatoire".

"Notre objectif est d'identifier et de combattre toutes les situations d'illégalité et de dégradation, où qu'elles se produisent, afin de protéger la sécurité de tous les citoyens", a-t-il expliqué. Evoquant les communautés Roms, il a prôné la vérification de "l'accès des enfants aux services scolaires, étant donné qu'ils sont souvent tenus à l'écart des cours obligatoires d'éducation et de formation".

Matteo Salvini a proposé lundi un recensement de la communauté Rom pour permettre, entre autres, de faciliter les expulsions de ceux de nationalité étrangère en situation irrégulière, puisque selon lui les "Roms italiens, malheureusement, tu dois te les garder à la maison".

M. Salvini a toutefois démenti vouloir "ficher" ou prendre les empreintes digitales des Roms vivant en Italie, assurant qu'il se préoccupait du sort des enfants de cette communauté.

"Certains parlent de +choc+, pourquoi? Je pense seulement à ces pauvres enfants à qui on apprend à voler et l'illégalité", a-t-il affirmé sur Twitter lundi soir.

- 'Les Italiens d'abord' -

Mardi, visiblement agacé par les critiques, il a confirmé son projet initial : "Je ne cède pas et vais de l'avant ! D'abord les Italiens et leur sécurité", a-t-il lancé, toujours sur Twitter, un mode de communication qu'il affectionne.

Et pour le prouver, il s'est félicité qu'une construction abusive dans un camp Rom ait été détruite mardi à Carmagnola, une petite ville administrée par la Ligue près de Turin. "De la parole à l'action", a lancé celui qui avait promis pendant la campagne électorale de raser les camps des Roms à coups de bulldozer.

Aucun chiffre officiel n'existe mais selon une association proche de cette communauté, les Roms en Italie seraient entre 120.000 et 180.000, en majorité de nationalité italienne.

L'opposition de gauche a tiré à boulets rouges sur la proposition de Matteo Salvini qui lui rappelle les lois raciales votées pendant la période fasciste dans les années 1930.

"L'Italie est retournée en 1938", année du vote de ces lois raciales visant alors les juifs italiens, a ainsi jugé sur Twitter la sénatrice du Parti démocrate (PD, centre-gauche), Monica Cirinna.

Un autre représentant de la gauche, Roberto Speranza, a indiqué mardi qu'il allait porter plainte contre le ministre de l'Intérieur pour incitation à la haine raciale.

Matteo Salvini, 45 ans, occupe quasiment en permanence le devant de la scène politique depuis sa nomination le 1er juin au poste clé de l'Intérieur.

Il a ainsi fait la Une de l'actualité la semaine dernière en s'opposant à l'entrée dans un port italien d'un navire humanitaire chargé de 630 migrants. Ce navire, l'Aquarius, est finalement arrivé dimanche en Espagne après une odyssée en Méditerranée de près d'une semaine, depuis le large de la Libye en passant par les eaux maltaises et celles de la Sardaigne.

"Beaucoup de propagande et peu d'effet pratique, mais un résultat certain: occuper complètement le débat et l'agenda politique", écrit mardi La Repubblica, quotidien proche de la gauche.

Avec aussi pour conséquence, selon les médias italiens, d'éclipser chaque jour davantage son allié au gouvernement, le M5S, qui a pourtant remporté presque le double de voix aux élections législatives du 4 mars.

Cette omniprésence du ministre de l'Intérieur semble payer électoralement, selon les derniers sondages qui donnent désormais plus de 25% des intentions de vote à la Ligue de Matteo Salvini, contre les 17% de voix obtenus le 4 mars. Surtout, ces sondages donnent le M5S en recul.

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