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Kirghizstan: la crise politique se poursuit, le président sous pression

Deux factions politiques rivales se disputaient mercredi au Kirghizstan le droit de former un gouvernement dans ce pays d'Asie centrale, où le président fait face à crise politique majeure après l'annulation d'élections législatives contestées et la nomination d'un nouveau Premier ministre.

Depuis trois jours, le Kirghizstan est secoué par un mouvement de contestation dénonçant des fraudes lors des élections parlementaires de dimanche, remportées par deux partis proches du chef de l'Etat, Sooronbaï Jeenbekov.

Cette crise fait craindre une flambée de violences dans cet Etat considéré comme une exception démocratique dans une région où les régimes autoritaires sont la règle.

Mardi, au lendemain d'une nuit de heurts ayant fait un mort et des centaines de blessés à Bichkek, la capitale, les résultats des législatives ont été invalidés. Et un nouveau Premier ministre, Sadyr Japarov, a été désigné dans la confusion. Sans que cela ne permette de résoudre la crise.

-'Vide du pouvoir'-

Des échauffourées ont opposé mercredi des partisans du nouveau Premier ministre et des jeunes militants défendant les portes du bâtiment abritant le bureau du chef du gouvernement, selon une journaliste de l'AFP sur place.

A l'intérieur, des partis d'opposition négociaient la formation d'un gouvernement intérimaire jusqu'à l'organisation de nouvelles élections législatives.

"Honte! Honte!", scandaient des partisans de Sadyr Japarov, à l'attention de militants adverses qui les empêchaient de rentrer.

Emprisonné depuis 2017, Sadyr Japarov, politicien nationaliste et détracteur du président Sooronbaï Jeenbekov, a été libéré lundi par ses partisans et nommé dans la foulée Premier ministre lors d'une réunion extraordinaire du Parlement.

Mais sa nomination est contestée par un "Conseil de coordination" créé par les leaders de plusieurs partis d'opposition n'ayant pu obtenir de siège au Parlement lors des législatives de dimanche.

Seul terrain d'entente, ces deux forces adverses appellent ensemble au départ de Sooronbaï Jeenbekov, soupçonné d'avoir soutenu des fraudes électorales massives.

Le dirigeant kirghiz a, lui, accusé ses opposants de vouloir s'emparer illégalement du pouvoir, assurant avoir toujours le contrôle du pays.

L'autorité de Sooronbaï Jeenbekov, au pouvoir depuis 2017, est également menacée par son grand rival et ex-président, Almazbek Atambaïev, libéré de prison par des manifestants dans la nuit de lundi.

"Un vide de pouvoir est créé, le pouvoir est contesté par plusieurs centres", observe Asel Doolotkeldieva, une politologue kirghize, s'exprimant sur son compte Twitter.

Toutefois, selon elle, cette compétition politique pourrait "créer des espaces avec une véritable politique" au sein de la jeune démocratie kirghize.

De son côté, le président russe Vladimir Poutine a dit espérer une résolution pacifique de la crise. Des centaines de milliers de Kirghiz travaillent en Russie.

- Craintes dans le Sud -

Le bâtiment abritant le Parlement et la présidence à Bichkek était désert mercredi après-midi, après avoir été occupé et en partie saccagé par des manifestants.

Pendant la nuit de mardi à mercredi, des groupes de volontaires ont patrouillé dans la capitale pour protéger les magasins de potentiels pillages.

A travers le pays, plusieurs mines d'or ou de charbon, sources de revenus cruciales pour cette ex-république soviétique pauvre en ressources naturelles, ont dû suspendre leur activité après avoir été occupées par des groupes armés.

Des manifestants ont également essayé mercredi d'investir à Bichkek le siège d'une entreprise canadienne gérant la principale mine d'or du pays, qui produit près de 10% du PIB kirghiz.

Des craintes de violences pèsent également sur Och, la deuxième ville du Kirghizstan, dans le Sud, où des violences ethniques contre la minorité ouzbèke avaient fait des centaines de morts en 2010, deux mois après une révolte populaire.

L'ancien maire, en fonction lors de ces heurts, est retourné à Och mardi soir. Il pourrait remplacer l'édile de la ville, qui a démissionné.

Ces émeutes rappellent celles de 2005 et 2010, qui s'étaient muées en une révolution émaillée de pillages, chassant le pouvoir en place accusé de corruption et de dérive autoritaire.

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