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L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques et le "Novitchok"

Les États-Unis, la France et l'Allemagne se sont joints à Londres jeudi pour désigner la Russie après l'empoisonnement d'un ex-espion russe en Angleterre, affichant un front commun occidental face à Moscou.

Les quatre puissances occidentales ont demandé à la Russie de fournir à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui siège à La Haye, toutes les informations sur un programme chimique appelé "Novitchok", un redoutable agent neurotoxique créé, selon les Occidentaux et un ancien chimiste russe qui vit aux États-Unis, par des scientifiques soviétiques dans les années 1980.

La Russie, elle, dément catégoriquement qu'un tel programme ait jamais existé.

- Que peut faire l'OIAC ? -

Il est primordial pour le Royaume-Uni de fournir des preuves selon lesquelles une arme chimique a été utilisée pour empoisonner l'ex-espion russe en fournissant des échantillons, explique Alastair Hay, professeur retraité de toxicologie environnementale à l'Université de Leeds, en Angleterre.

Le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson a déclaré à la chaîne de télévision BBC que le Royaume-Uni procédait à l'envoi d'un échantillon de l'agent neurotoxique à l'OIAC.

Londres pourrait alors même demander à l'OIAC d'enquêter activement sur la Russie, en vertu de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. Cette même convention autorise les États à agir bilatéralement, ce que la Première ministre britannique Theresa May a fait en expulsant 23 diplomates russes et en gelant les contacts bilatéraux avec Moscou.

- Pourquoi le "Novitchok" est-il passé sous le radar de l'OIAC ? -

L'OIAC peut seulement enquêter sur les armes chimiques déclarées par les 192 États membres de l'organisation, qui a salué en octobre dernier la destruction totale du stock d'armes chimiques russes annoncée par Moscou.

La Russie n'a cependant pas déclaré le programme "Novitchok" et nie son existence, a souligné Mark Bishop, spécialiste des armes chimiques à l'Institut d'études internationales de Middlebury à Monterey, aux États-Unis.

Le dissident scientifique soviétique Vil Mirzaïanov, réfugié aux États-Unis, a acquis une notoriété dans les années 1990 en faisant état d'une expérimentation secrète de Moscou sur le "Novitchok" et en affirmant que la Russie stockait des dizaines de tonnes de l'agent non déclaré.

- Dans quelle mesure l'OIAC est-elle efficace ? -

L'organisation "a été très efficace pour créer un monde sans armes chimiques", a déclaré Sico van der Meer, chercheur à l'Institut Clingendael de La Haye.

Plus de 95% des stocks d'armes chimiques déclarés dans le monde ont été détruits et en 2013, l'OIAC a remporté le prix Nobel de la paix pour ses efforts visant à débarrasser le monde des armes chimiques.

Les inspecteurs de l'organisation ont été hautement efficaces, mais le système n'est pas complètement étanche, disent les experts. "Si quelqu'un veut nuire, il y a toujours un moyen de le faire", a déclaré M. Van der Meer.

- Que dit la Convention? -

Il est de la responsabilité du pays adhérant à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques de déclarer ses armes chimiques et de définir leur nature, les quantités, l'emplacement et les installations de stockage et de production de celles-ci.

L'OIAC a le droit d'inspecter les installations, mais il est impossible de faire des recherches approfondies.

La Convention suppose donc qu'un certain niveau de confiance est nécessaire.

- La Russie a-t-elle violé la Convention ? -

La Convention sur l'interdiction des armes chimiques exige que les États membres déclarent la totalité de leur stock. Or, la Russie a encore nié jeudi l'existence même d'un programme "Novitchok".

"Il n'y a eu aucun programme de développement d'armes chimiques du nom de +Novitchok+ ni du temps de l'URSS, ni en Russie", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov.

L'ambassadeur du Royaume-Uni auprès de l'OIAC, Peter Wilson, a accusé Moscou mardi d'avoir omis pendant de nombreuses années de déclarer la totalité de son stock d'armes chimiques.

Mais Moscou prétend que l'accord prévoit seulement la déclaration des produits chimiques destinés à devenir de véritables armes chimiques et non à la recherche, selon M. Bishop.

"Il y a beaucoup de produits chimiques toxiques produits par des chimistes qui pourraient être utilisés comme armes, mais qui ont été produits à d'autres fins", explique-t-il.

"Les Russes peuvent dire qu'ils procédaient à des recherches sur les produits chimiques de type Novitchok pour une éventuelle utilisation dans les pesticides" par exemple, a avancé l'expert.

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