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La Bosnie démunie face aux migrants

"Crise humanitaire", "invasion", "problème sécuritaire" que la Bosnie n'a pas les moyens de gérer: l'augmentation du passage de migrants en route vers l'Union européenne suscite l'inquiétude dans ce pays pauvre.

En plein centre touristique de Sarajevo, un parc face à la Bibliothèque nationale est depuis quelques semaines devenu un campement de fortune, avec plusieurs dizaines de tentes.

Près de la frontière avec la Croatie et l'Union européenne, à Bihac (nord-ouest), une résidence universitaire vide et insalubre est squattée, tandis qu'à Velika Kladusa, c'est un autre campement sauvage qui s'est installé dans un parc.

Sans eau ni électricité, des jeunes hommes surtout, mais aussi des familles avec enfants, y passent quelques nuits, avant de tenter de passer illégalement en Croatie.

Avec succès souvent puisque selon le ministre bosnien de la Sécurité, Dragan Mektic, sur 4.000 personnes qui sont arrivées dans le pays depuis le début de l'année, il en reste environ un tiers.

Le phénomène n'est pas comparable au passage de centaines de milliers de personnes par "la route des Balkans" en 2015, jusqu'à sa fermeture en mars 2016. Une route qui évitait la Bosnie, pays au relief accidenté.

Mais avec les beaux jours, l'escale bosnienne est plus prisée: quelque 1.200 migrants et réfugiés sont arrivés dans le pays au cours des trois dernières semaines, selon Peter Van Der Auweraert, le responsable en Bosnie de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Dragan Mektic, évoque lui "entre 80 et 150" entrées par jour en mai.

Le phénomène semble laisser les autorités démunies. A Sarajevo, les voyageurs sont nourris par des bénévoles et des habitants: l'Etat "ne fournit rien pour eux, ni nourriture, ni médicaments, absolument rien", dit Denisa Steffen, bénévole bosnienne d'une quarantaine d'années.

"Faute d'action rapide pour loger ces gens, on risque de créer une petite crise humanitaire dans les localités où les migrants et les réfugiés se trouvent", met en garde Peter Van Der Auweraert.

- "Risques" -

La Bosnie ne compte qu'un seul centre de demandeurs d'asile d'environ 150 places, à une quarantaine de km de Sarajevo. Les autorités ont dit leur intention d'en créer un autre, avec 300 lits, près de Mostar. Une ville à l'écart de la route des migrants.

Plusieurs facteurs expliquent que la Bosnie soit de plus en plus une étape, selon Van Der Auweraert. Des voyageurs bloqués depuis des mois en Serbie sont désormais "prêts à prendre des risques ou faire du terrain plus difficile". Iraniens et Nord-Africains semblent particulièrement suivre cet itinéraire. Et, "il y a maintenant des trafiquants d'être humains" actifs en Bosnie, ce qui attire les migrants, selon lui.

"J'ai essayé de passer six fois déjà et je suis arrivé trois fois à la frontière entre la Croatie et la Slovénie, avant d'être arrêté par la police et ramené en Bosnie", raconte dans le parc de Velika Kladusa, Islam, un Algérien de 24 ans, parti de chez lui il y a trois mois.

L'Iranien Saeid Samadi, ingénieur en mécanique de 32 ans, a été arrêté deux fois entre la Bosnie et la Croatie. "Mais je vais essayer encore et encore", dit-il après avoir pris un déjeuner distribué par la Croix-Rouge de Bihac.

La commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, a déploré en début de semaine un "accès précaire à la nourriture" et de "grandes difficultés d'accès aux soins". La gale a été diagnostiquée chez une quinzaine de migrants à Bihac.

"Ce n'est plus seulement un problème humanitaire, ça devient aussi un problème sécuritaire", dit le maire de Bihac, Suhret Fazlic, dénonçant l'inertie du gouvernement. Des cambriolages et des faits de petite délinquance sont relevés par la police.

Le Premier ministre Denis Zvizdic a promis lundi de loger les migrants de façon "humaine", mais a réclamé une aide "technique" et "financière" des "institutions européennes et de l'ONU".

Dans un pays multicommunautaire divisé, la question est vite devenue politique. Les responsables des Serbes de Bosnie ont prévenu qu'ils refuseraient d'organiser l'hébergement de ces migrants, souvent venus de pays musulmans. "Nous trouverons la manière de nous défendre de cette invasion", a déclaré Milorad Dodik, président de leur entité de Republika Srpska.

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