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La Pologne bien décidée à défendre sa vision de l'avenir de l'UE

La Pologne, bien qu'elle soit menacée de sanctions par Bruxelles, est décidée à défendre sa vision de l'UE dans une Europe post-Brexit, explique son chef de la diplomatie, en mettant en avant la défense du marché libre et des parlements nationaux, et l'évaluation de la menace russe.

"Ce qui se dessine, c'est la possibilité pour nous de prendre la place de la Grande-Bretagne en ce qui concerne son programme: l'attachement à la libre concurrence et la sensibilité à la menace russe, ainsi que la défense de ses propres positions, de sa souveraineté", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Jacek Czaputowicz dans une interview à l'AFP.

Selon le diplomate, Londres a toujours mieux mesuré l'agressivité de Moscou que Berlin ou Paris.

Tout comme Londres, "nous nous sommes toujours méfiés des actions de Vladimir Poutine et nous avions raison", affirme le ministre, en évoquant "l'agression en Géorgie, l'agression en Ukraine, l'annexion de la Crimée, le Donbass, des actions contre les intérêts du monde occidental en Syrie, le soutien à Assad contre les intérêts de la France et maintenant la tentative de meurtre sur Skripal".

A la suite de cette affaire de l'ex-agent double russe, la Pologne a expulsé quatre diplomates russes, le même nombre que la France et l'Allemagne, "un signal important de notre unité", selon M. Czaputowicz.

Il souligne également la proximité de vues avec Berlin. "Avant tout, nous sommes pour une seule Union à 27, comme l'a dit la chancelière Angela Merkel à Varsovie, et non pour une Union à plusieurs vitesses.

A une semaine de sa première visite à Paris, M. Czaputowicz a reconnu des divergences avec la France sur l'avenir de l'UE, rejetant la "souveraineté européenne" soutenue, selon lui, par le président Emmanuel Macron.

"Une +Europe souveraine+ suscite des doutes chez nous.(...) Il est impossible d'avoir une souveraineté à l'intérieur d'une souveraineté. Autrement dit, une Europe souveraine met en question la souveraineté des Etats".

"Je ne pense pas que les Français puissent accepter un transfert de la souveraineté au niveau de l'UE au détriment de la souveraineté de la France. (...) C'est donc une discussion qu'il faut continuer, alors que les deux parties voudraient une Europe forte".

La France et la Pologne, a estimé en substance M. Czaputowicz, voient autrement la source de la légitimité de l'UE. Pour Varsovie, elle passe "par les parlements nationaux qui représentent les sociétés des pays membres".

"La question porte sur le renforcement de certaines institutions supranationales, telle la Commission. Il s'agit de savoir quel est leur rôle, si elles sont légitimes per se ou si elles le sont en vertu de décisions des Etats", comme l'analyse la Pologne.

La Pologne a depuis plusieurs mois un important différend avec la Commission européenne. Celle-ci a déclenché contre Varsovie une procédure inédite pouvant conduire à de sévères sanctions, en raison de réformes qui rendent le système judiciaire polonais plus dépendant du pouvoir politique.

Après avoir fait sourde oreille pendant longtemps aux recommandations de Bruxelles, les conservateurs au pouvoir ont proposé la semaine dernière quelques modifications à leurs réformes.

- Modifications "cosmétiques" -

Accueilli par des diplomates occidentaux comme un signe de dégel, ces modifications sont jugées "cosmétiques" par l'opposition.

M. Czaputowicz, qui doit recevoir le 9 avril à Varsovie le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans, n'a pas exclu que Varsovie puisse aller plus loin dans ses concessions.

"Il y a (du côté polonais) une volonté de compromis" mais "certaines modifications sont exclues, celles qui détruiraient le système mis en place".

Varsovie souhaite également relancer le Triangle de Weimar, une instance de consultations au sommet entre la France, l'Allemagne et la Pologne, pratiquement gelée par Paris depuis l'annulation par Varsovie d'un important contrat pour la vente d'hélicoptères militaires d'Airbus.

A côté des deux grands pays occidentaux, la Pologne pourrait y représenter non seulement elle-même, mais aussi un groupe de pays d'Europe centrale et orientale, soutient M. Czaputowicz, avec lesquels elle a "des intérêts communs, des aspirations communes au sein de l'UE, une histoire commune, et la même situation géopolitique".

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