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La présidence autrichienne de l'UE à l'épreuve des sceptiques

En pleine crise européenne sur l'accueil des migrants et l'avenir du droit d'asile, des inquiétudes émergent sur la capacité de l'Autriche, dirigée par un gouvernement allié à l'extrême-droite, à piloter pendant six mois une UE fissurée.

Le chancelier Sebastian "Kurz et son gouvernement jouent avec les peurs et sèment la discorde au sein de l'Union européenne", lançait l'eurodéputé écologiste Philippe Lamberts mardi au parlement européen à Strasbourg.

Le jeune dirigeant conservateur de 31 ans, au pouvoir depuis un peu plus de six mois à Vienne, bénéficie pourtant d'un soutien de taille, celui du PPE, le parti de la droite européenne majoritaire au parlement européen, auquel il appartient.

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, de la même formation, l'a d'ailleurs adoubé. "Le nouveau gouvernement autrichien est clairement pro-européen et pour cette raison il n'y a aucune raison de se faire du souci", a déclaré le Luxembourgeois.

Selon lui, la coalition de M. Kurz n'a rien à voir avec celle de l'an 2000, où pour la première fois en Autriche, la droite conservatrice de l'ÖVP, s'était alliée avec le parti d'extrême-droite de Jörg Haider.

A l'époque, l'arrivée au pouvoir du FPÖ dans le pays de naissance d'Adolf Hitler avait provoqué une onde de choc: l'UE avait maintenu pendant plusieurs mois des sanctions contre Vienne.

Mais en 2018, le gouvernement en place "a un programme clairement pro-européen. En 2000, ce n'était pas le cas", affirme M. Juncker.

- Des alliés pour l'extrême droite -

D'autres ne partagent pas son avis: "Le chancelier Kurz défend un agenda de droite dure aux plans national et européen. Son agitation contre les réfugiés masque les problèmes urgents qui bousculent aussi bien son pays que l'UE", estime le Belge Lamberts.

Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques Delors, pointe les risques que présente la présidence autrichienne de l'UE pour les six prochains mois.

"Ce n'est pas la première fois qu'un parti d'extrême droite est associé au pouvoir dans un pays de l'UE mais le contexte politique est très différent car pour la première fois, il compte plusieurs alliés autour de la table du Conseil --les 28 Etats membres de l'Union-- avec l'Italie, la Bulgarie et la Finlande. Il peut donc s'appuyer sur beaucoup de relais", a-t-il souligné auprès de l'AFP.

Après avoir construit son ascension dans son pays sur la promesse d'une politique migratoire sans concession, M. Kurz a de nouveau érigé ce sujet comme l'une des priorités de sa présidence de l'UE, avec un point de vue très sécuritaire, puisqu'il s'agit avant tout de protéger les frontières extérieures de l'Union.

"Les migrations vont être un thème important pour les partis de droite et d'extrême droite dans l'UE à l'approche des élections européennes" de mai prochain, prédit M. Maillard.

Mardi au parlement européen à Strasbourg, l'eurodéputé libéral Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge, mettait en garde M. Kurz: "être président du Conseil, c'est tout de même légèrement différent que d'être chancelier de l'Autriche. Vous devez construire des ponts, faire des compromis". C'est effectivement le rôle du pays qui assure la présidence tournante de l'UE de parvenir à trouver des solutions parmi les 27 autres Etats qui ne sont pas forcément du même avis, rapprocher les pays de l'est et ceux de l'ouest, ou du nord et du sud.

M. Kurz ne cesse d'ailleurs de présenter son rôle comme celui d'un "bâtisseur de ponts" entre les membres de l'UE.

M. Verhofstadt a également insisté sur le fait qu'il n'y avait pas de "crise migratoire" --le nombre d'arrivées dans l'UE s'est considérablement réduit par rapport à 2015, année d'un afflux massif dû à la guerre en Syrie--, mais une "crise politique sur le dos des migrants".

Le PPE (droite, majoritaire) auquel appartient M. Kurz, "nous conduit sur une route de la peur et de la division", a de son côté déploré le patron des eurodéputés socialistes Udo Bullmann.

La gauche radicale (GUE/NGL) a elle qualifié le chancelier autrichien "d'Orban au visage de bébé", en référence au Premier ministre hongrois très hostile aux migrants, Viktor Orban.

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