Accueil Actu

Dérapage budgétaire: la menace de sanctions inédites contre Lisbonne et Madrid se concrétise

Les menaces de sanctions contre l'Espagne et le Portugal, en dérapage budgétaire, se sont concrétisées mardi, avec le déclenchement d'une procédure inédite dans l'histoire de la zone euro, dans une Europe encore sous le choc du Brexit.

Les ministres des Finances de la zone euro, réunis dans le cadre d'un conseil des grands argentiers de l'UE à Bruxelles, ont constaté que ces deux pays "n'ont pas pris les mesures nécessaires" pour corriger leurs déficits, déclenchant un processus sans précédent pouvant conduire à des pénalités financières.

La Commission européenne, chargée du respect des règles, a désormais vingt jours pour proposer des amendes, dont le montant maximum est de 0,2% du Produit intérieur brut.

Ces dernières pourraient donc s'élever jusqu'à 2,2 milliards d'euros pour l'Espagne et 360 millions d'euros pour le Portugal, selon des calculs de l'AFP basés sur les chiffres de PIB de 2015 fournis par l'Office des statistiques européens.

L'exécutif européen est également dans l'obligation de proposer une suspension totale ou partielle des fonds structurels destinés à des projets en 2017.

Les fonds concernés pour l'an prochain s'élèvent pour l'Espagne à 1,3 milliard d'euros et pour le Portugal à 500 millions d'euros, selon une source européenne.

De leur côté, Madrid et Lisbonne ont dix jours à compter de mardi pour faire valoir leurs arguments auprès de la Commission européenne et l'inciter au maximum à la clémence.

Le ministre de l'Economie espagnol, Luis de Guindos, a promis de le faire dès mercredi. Alors que le pays aborde son septième mois de blocage politique et n'est toujours pas doté d'un nouveau gouvernement après les législatives du 26 juin, M. de Guindos compte insister sur l'assainissement des finances et les réformes déjà réalisées.

Il a également annoncé que Madrid souhaitait une hausse de l'impôt sur les sociétés afin de réduire dès 2017 son déficit en-dessous de 3% du PIB, conformément aux règles budgétaires européennes.

Quant au Premier ministre portugais Antonio Costa, il a fustigé le processus de sanctions, "un contresens", selon lui. "Il est injustifié et contre-productif d'appliquer la moindre sanction au Portugal", a-t-il lancé.

L'exécutif européen est dans une situation délicate: il doit satisfaire d'un côté les tenants de l'orthodoxie budgétaire, Allemagne et Pays-Bas en tête, et de l'autre, ne pas se mettre à dos les pays plaidant la flexibilité, représentés par l'Europe latine, le tout dans un contexte particulièrement difficile après la décision par référendum des Britanniques de sortir de l'UE il y a moins de trois semaines.

Pour Vincenzo Scarpetta, analyste de l'institut Open Europe basé à Londres, "on peut s'attendre à ce que l'Espagne et le Portugal reçoivent 'zéro' sanction ou seulement une sanction symbolique en échange de promesses de mesures additionnelles".

Pointant du doigt "l'imperfection des règles budgétaires européennes", son confrère, Grégory Claeys, chercheur économiste à l'Institut de Bruegel, basé à Bruxelles, estime lui aussi que la souplesse sera de mise.

"Sinon les gouvernements concernés risquent de renvoyer la responsabilité des problèmes sur Bruxelles et les eurosceptiques vont encore accuser l'UE de tous les maux", a-t-il expliqué.

Selon le ministre allemand Wolfgang Schäuble, le déclenchement du processus de sanctions permet cependant d'exercer une certaine pression sur les pays, et ce particulièrement par le biais des fonds structurels.

"Pour éviter la suspension de ceux-ci pour 2017, les pays concernés doivent suivre les recommandations", a-t-il souligné.

Le ministre français des Finances, Michel Sapin, a quant à lui plaidé pour une certaine souplesse.

"La position qui est la mienne, c'est le respect des règles dans le respect des situations (...) Au fond, ça se dit très simplement: il faut appliquer les règles intelligemment", a-t-il argumenté.

En réalité, les règles budgétaires européennes n'ont cessé d'être bafouées depuis leur création, et notamment par les deux poids-lourds de la zone euro, la France, mais aussi l'Allemagne, dans une moindre mesure.

En 2017, année électorale, Paris, qui a déjà obtenu plusieurs délais, est en tous les cas attendu au tournant: son déficit public doit passer en dessous des 3% du PIB.

À la une

Sélectionné pour vous