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Le cinéaste espagnol Pablo Berger moque le machisme dans "Abracadabra"

Dans son dernier film "Abracadabra", Pablo Berger, le réalisateur espagnol du remarqué "Blancanieves", a rassemblé "toutes ses obsessions" pour donner naissance à une comédie grinçante et bariolée sur la société espagnole et le machisme.

"Je voulais faire une comédie abordant des thèmes qui me préoccupent, qui m'intéressent, comme les femmes, le féminisme, les maladies mentales, l'Espagne, Madrid", confiait le cinéaste lors de son passage à Paris en décembre pour la promotion de son nouveau long-métrage, en salles mercredi.

"Abracadabra" suit Carmen (Maribel Verdu), une femme au foyer vivant avec son mari grutier dans la banlieue de Madrid. Souriante, elle supporte sans mot dire le mépris quotidien de Carlos (Antonio de la Torre), ramassant ses vêtements sales et lui préparant tous ses repas, sous les yeux de leur fille (Priscilla Delgado).

Lors d'un mariage, Carlos se porte volontaire pour un numéro d'hypnose pratiqué par le cousin de Carmen, Pepe (José Mota), dans le but avoué de le ridiculiser. Mais le lendemain, quand Carlos se réveille, quelque chose a changé: le macho fan de foot a laissé la place à un mari attentionné, disposé à faire sa part des tâches ménagères et à un père aidant sa fille à résoudre ses problèmes de maths.

Carmen pourrait se réjouir du changement. Elle s'en inquiète, surtout quand elle se rend compte que son mari disparaît la nuit pendant plusieurs heures, sans se souvenir le lendemain de ses escapades nocturnes.

"Le point de départ d'+Abracadabra+ est une expérience que j'ai vécue avec un de mes meilleurs amis il y a plus de 30 ans", raconte Pablo Berger. Son ami avait accepté de se faire hypnotiser dans une petite discothèque et "à ma surprise et surtout celle de mon ami, il est tombé foudroyé, hypnotisé", poursuit-il.

- L'opposé de "Blancanieves" -

Le cinéaste basque y a vu l'expérience parfaite pour raconter "l'histoire de quelqu'un d'ordinaire vivant une expérience extraordinaire".

Pablo Berger voulait aussi réaliser un film à l'exact opposé du dernier, "Blancanieves", un conte en noir et blanc inspiré du récit de Blanche Neige. Ce film lui avait valu en 2013 sept prix aux Goya, l'équivalent espagnol des César, et une nomination au César du meilleur film étranger en 2014.

Il en ressort une comédie grinçante, colorée, qui flirte par moment avec le film d'épouvante et le fantastique et plonge dans le drame, avec des références aussi bien à Woody Allen qu'à Alfred Hitchcock. Des changements de genre qui peuvent dérouter le spectateur.

Maribel Verdu, perchée sur des talons compensés, très maquillée et vêtue de tenues clinquantes, incarne une femme au foyer attachante, qui se révèle au cours du film plus forte qu'attendu au premier abord. Comme les héroïnes de ses deux films précédents, le réalisateur l'a nommée Carmen, comme celle de l'opéra de Bizet.

Pablo Berger est un cinéaste rare, qui n'a réalisé que trois long-métrages en un peu plus de quinze ans.

Le premier, "Torremolinos 73", racontait l'histoire d'Alfredo Lopez, vendeur à domicile d'encyclopédies, et de sa femme Carmen dans l'Espagne puritaine franquiste du début des années 70. Son entreprise, au bord de la faillite, leur propose de tourner des films pornographiques pour l'élaboration d'une prétendue "encyclopédie mondiale sur la reproduction", destinée aux pays scandinaves.

Près de dix ans plus tard, il sortait "Blancanieves".

"J'ai eu beaucoup de mal à financer chaque film, en particulier les deux premiers", raconte-t-il. "Heureusement, j'ai fini par réussir à les faire. Je ne sais pas si j'ai du talent, mais je suis très obstiné!", plaisante-t-il.

"Quand je veux quelque chose, je ne vais pas arrêter avant de l'avoir obtenu."

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