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Catalogne: manifestations après l'incarcération de dirigeants indépendantistes

Des milliers de manifestants sont descendus vendredi dans les rues de Catalogne après que la justice espagnole a incarcéré cinq dirigeants indépendantistes pour leur rôle dans la tentative de sécession de la région et lancé des mandats d'arrêts internationaux contre six autres en fuite à l'étranger.

A Barcelone, 24 manifestants ont été blessés légèrement dans des heurts avec les policiers, selon les services de secours. Les forces anti-émeutes ont repoussé à coups de matraque des manifestants qui s'approchaient d'eux devant la préfecture, a constaté un correspondant de l'AFP.

Les manifestations avaient été convoquées la veille par la puissante Assemblée nationale catalane et les Comités de Défense de la République, plus radicaux, avant l'annonce des décisions de justice.

Le juge de la Cour suprême chargé de l'enquête a inculpé formellement 13 dirigeants indépendantistes pour "rébellion", une infraction passible de 30 ans de prison. Il a écroué cinq d'entre eux, dont Jordi Turull, le candidat à la présidence qui devait tenter de se faire élire au second tour par le parlement catalan samedi. Quatre autres sont déjà en prison depuis des mois.

Il a expliqué son ordre de détention provisoire en estimant que le risque de fuite était "élevé, au regard de la peine encourue". Un des dirigeants convoqués, Marta Rovira, a d'ailleurs préféré quitter le pays plutôt que de comparaître devant le juge et de risquer l'incarcération. Elle serait en Suisse, selon les médias espagnols.

Le juge Pablo Llarena a également lancé des mandats contre l'ancien président Carles Puigdemont, qui s'était exilé en Belgique avec quatre de ses ministres régionaux après la proclamation d'indépendance de la Catalogne le 27 octobre. Un d'entre eux, Clara Ponsati, s'est depuis installée en Ecosse.

La nouvelle a enflammé les manifestants, qui à Barcelone ont brûlé des photos du roi Felipe VI, un délit en Espagne, et du juge Llarena. Ils brandissaient des drapeaux indépendantistes et des calicots réclamant la "Liberté pour les prisonniers politiques".

Un autre rassemblement, plus calme, a rempli la vaste Place de Catalogne, au coeur de Barcelone.

"La Catalogne ne se sentira plus jamais comme une partie de l'Espagne, il y aura un avant et un après cette décision", a déclaré Alba Mateu, une pédagogue de 22 ans.

- Le roi brûlé en effigie -

"Il y a deux millions de personnes qui veulent quitter l'Espagne et ils ne peuvent pas nous mettre tous en prison", a ajouté sa mère, Carme Sala, 58 ans.

La télévision catalane a diffusé des images de foules rassemblées dans d'autres villes de la région, comme Vic et Tarragone.

Les poursuites judiciaires ont depuis des semaines un effet dévastateur sur les figures de l'indépendantisme catalan, dont certains renoncent à leurs fonctions politiques tandis que les autres modèrent leurs discours. Le juge n'en pas moins estimé dans son arrêt qu'il y avait un risque de récidive "latent".

Dans un arrêt méthodique de 70 pages, il s'emploie à justifier les poursuites pour rébellion, les plus graves mais aussi les plus controversées car elles impliquent l'existence d'un "soulèvement violent" qui, selon de nombreux juristes, ne s'est jamais produit.

Il cite la soixantaine d'agents blessés en tentant d'empêcher le référendum d'autodétermination du 1er octobre, interdit par la justice, sans mentionner les violences policières contre des électeurs massés devant les bureaux, dont les images avaient fait le tour du monde.

En encourageant les masses à résister à la police pour permettre le référendum, les dirigeants indépendantistes auraient cherché à ce que "l'Etat de droit capitule face à la détermination violente" d'une partie de la population, écrit-il.

"Ça suffit de faire passer pour des +violents+ ceux qui ont organisé les manifestations les plus pacifiques et massives de l'histoire récente d'Europe", a réagi Carles Puigdemont depuis la Finlande, où il est en déplacement.

Au total, l'inculpation de 25 personnes, soit tout le noyau dur de dirigeants indépendantistes, est confirmée.

Les inculpés peuvent faire appel devant une chambre de la Cour suprême. Si cette dernière confirme les accusations, le juge pourra les renvoyer en procès.

La Catalogne est sous tutelle du gouvernement central depuis bientôt cinq mois, après la déclaration d'indépendance mort-née votée par son parlement le 27 octobre. Son autonomie reste suspendue tant qu'il n'y a pas de nouveau gouvernement régional.

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