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Les transgenres autorisés à se baigner dans un étang pour femmes à Londres: gênées par "les parties génitales masculines", certaines s'y opposent

Les transgenres peuvent-ils se baigner dans l'étang réservé aux femmes dans l'immense parc londonien de Hampstead Heath? Les habituées sont partagées, entre désir de préserver ce "sanctuaire" et volonté d'ouverture, un débat illustrant celui sur la transidentité au Royaume-Uni.

En pleine vague de chaleur, une dizaine de femmes prennent le soleil, certaines seins nus, lisent ou bavardent près de l'étang, niché dans un cocon de verdure dont le calme contraste avec le brouhaha de la capitale britannique. D'autres effectuent quelques brasses dans l'eau fraîche. Le plan d'eau est l'un des trois espaces payants ouverts de longue date à la baignade dans ce parc du nord de Londres. Un autre n'est accessible qu'aux hommes tandis que le troisième est mixte.

"Pour de nombreuses femmes venant ici, c'est leur petit monde, une sorte de sanctuaire", confie Ann Haidari, 51 ans, une aide-enseignante qui s'y ressource plusieurs fois par semaine, été comme hiver. "J'apprécie vraiment l'intimité dont je jouis ici. (...) C'est quelque chose de rare".

La décision de la City de Londres, en charge des espaces verts, d'autoriser les hommes s'identifiant comme femmes à pouvoir accéder à l'étang et ses vestiaires a décontenancé nombre d'habituées.



"Mal à l'aise"

"Ce règlement peut vraiment donner lieu à des dérapages", dénonce Amy Desir, une mère de famille de 30 ans fervente opposante à la mesure. Il place les femmes dans "une situation vulnérable", notamment celles ayant été maltraitées par un homme ou qui se sentent liées par de strictes prescriptions religieuses. "L'atmosphère est très différente. Ce lieu où les femmes se sentaient libres est devenu un lieu où elles se sentent mal à l'aise", dit-elle. Un jour, un homme est venu vêtu d'un maillot pour essayer de se fondre dans le décor, "mais son pénis détonnait", raconte-t-elle.

En bordure d'étang, la question divise. Clare Stewart, acuponctrice de 58 ans, vient régulièrement avec sa fille adolescente et ne veut "pas être ennuyée par des hommes prédateurs". D'autres baigneuses défendent un lieu "inclusif", ouvert à tous, comme l'écrivaine Anna Russell, 53 ans. "Vous ne pensez tout de même pas qu'un homme fier de sa virilité aurait les couilles de venir ici", rigole-t-elle, assurant que les femmes lui feraient rapidement son sort.

"Peut-être pourrait-on créer un espace dédié?", suggère Vicky Joseph, 64 ans. "Cela règlerait le problème pour celles que les parties génitales masculines offusquent".


Auto-déclaration

Selon Amy Desir, la City de Londres, comme d'autres organisations, a pris cette mesure pour anticiper une réforme envisagée par le gouvernement britannique à la loi sur la reconnaissance du sexe (Gender Recognition Act) afin de rendre le changement d'état civil "moins bureaucratique et intrusif". Une procédure d'auto-déclaration sera étudiée dans le cadre d'une consultation qui sera lancée début juillet.

Actuellement, un certificat attestant du changement de sexe peut être obtenu, même sans chirurgie transformatrice, à condition d'avoir vécu au moins deux ans comme une personne du sexe désiré et de fournir un rapport médical établissant une dysphorie du genre (le genre ressenti ne correspond pas au sexe biologique).

Début 2018, Amy Desir a lancé la campagne #ManFriday, consistant pour des femmes à se prétendre hommes pour accéder à des lieux ou événements leur étant réservés afin de dénoncer les "absurdités" de l'auto-identification de genre.

Leur coup d'éclat? Nager en mai dans l'étang des hommes - certaines avec une fausse barbe -, d'où elles ont été sorties par la police alors qu'il est désormais aussi accessible aux transgenres, selon elle. Interrogée à plusieurs reprises par l'AFP, la City de Londres a refusé de confirmer, se contentant de dire que "tous les sauveteurs et gérants des étangs de Hampstead Heath ont été formés" à la question.

"Au début, les hommes étaient très fâchés et nous criaient dessus. Ils nous ont ensuite soutenues quand ils ont compris pourquoi on était là", relate Amy Desir.

Sous la pression d'une pétition qu'elle a lancée, signée par plus de 12.000 personnes, l'exécutif a déjà lâché du lest. Il s'est engagé à ne pas modifier sa loi sur l'égalité (Equality Act) luttant contre les discriminations, qui autorise dans certains cas l'exclusion des transgenres de lieux ou services réservés aux hommes ou aux femmes, comme les toilettes, vestiaires ou refuges.

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