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Matériel, médecins et désinformation: le "soft power" russe au temps du coronavirus

En envoyant des virologues en Italie pour l'aider à faire face à la pandémie du coronavirus et en critiquant l'UE, la Russie use de son "soft power" quitte à faire, selon ses détracteurs, de la désinformation.

Depuis dimanche, les communiqués se multiplient pour annoncer l'aide à l'Italie, frappée de plein fouet par la maladie partie de Chine: envoi d'une centaine de virologues, d'équipement médical, de laboratoires et de systèmes de désinfection mobiles.

Les spécialistes russes, qui ont selon Moscou "participé personnellement à l'élimination des flambées de peste porcine africaine, de peste sibérienne, ainsi qu'au développement d'un vaccin contre le virus Ebola", officieront notamment à Bergame, ville italienne la plus affectée.

La Chine et Cuba ont également envoyé des experts. Cette aide tombe à pic pour l'Italie, l'un des pays favorables à la levée des sanctions visant la Russie depuis 2014, alors que la solidarité européenne peine à se mettre en place.

L'Union européenne (UE) reste divisée sur un plan de sauvetage de l'économie face au choc du coronavirus, l'Allemagne mettant en garde contre des attentes déraisonnables quand Italie, France ou Espagne espèrent une réponse massive.

Autre exemple de tensions intra-européennes: dimanche, la presse italienne accusait Prague d'avoir confisqué des masques chinois destinés aux hôpitaux de la péninsule.

"S'il y a un objectif humanitaire, cette aide vise aussi à souligner le caractère inapproprié des sanctions" européennes contre Moscou, explique à l'AFP le politologue Alexeï Malachenko, selon qui "l'autorité du (président russe) Poutine se trouve ainsi renforcée".

A rebours d'une relation géopolitique conflictuelle avec les Occidentaux, Moscou s'inscrit dans une tradition de solidarité internationale datant de l'époque soviétique. Mercredi, l'ambassadeur russe à Washington s'est même dit prêt à débloquer une aide aux Etats-Unis.

Toutefois, si "la politique de +soft power+ peut améliorer l'image de la Russie, elle ne peut pas la transformer", tempère M. Malachenko.

Parallèlement, Moscou n'a d'ailleurs pas abandonné les discours accusatoires, la porte-parole de la diplomatie Maria Zakharova dénonçant l'"incapacité" de l'UE à lutter contre la propagation du Covid-19.

- "Campagne de désinformation" -

Moscou trace ainsi à l'envi le parallèle avec la situation "sous contrôle" en Russie grâce aux mesures drastiques prises dès le début de la crise, telles que la fermeture des frontières avec la Chine en début d'année.

Dans un discours télévisé annonçant de nouvelles mesures contre le coronavirus, Vladimir Poutine a souligné mercredi l'efficacité "des mesures prises à l'avance" en Russie et mis en garde: en cas de relâchement, "ce qui se passe aujourd'hui dans beaucoup de pays occidentaux, en Europe comme de l'autre côté de l'océan, peut devenir notre avenir immédiat".

Selon les statistiques officielles russes, aucun mort n'est encore à déplorer. Moscou met en avant ses préparatifs, comme la construction en quelques semaines d'un hôpital dédié sur le modèle de la Chine.

Et les responsables russes répètent sans cesse que parmi les 658 cas de Covid-19 officiellement recensés en Russie, la grande majorité "revenaient d'Europe".

Beaucoup de Russes doutent toutefois de ces chiffres, les autorités ayant par le passé camouflé l'ampleur des dégâts en temps de crise. Moscou a aussi reconnu mardi ne pas avoir une "image claire" de la situation dans le pays.

Ce faible bilan joue néanmoins en faveur de l'image de la Russie à l'étranger, lui conférant une aura de bon gestionnaire, résolu à prendre des mesures fortes. "Si la Russie règle rapidement le problème du virus, ce sera une nouvelle confirmation que les régimes autoritaires fonctionnent mieux dans ces conditions", relève M. Malachenko.

Ce message est d'ailleurs colporté sur les réseaux sociaux et dans les médias pro-Kremlin.

Mais Moscou est aussi accusé de répandre la désinformation sur le coronavirus, des accusations dont elle se défend, comme ce fut le cas dans d'autres crises.

Mi-mars, l'UE a dit voir une "campagne de désinformation" sur le Covid-19, dont la source est "soit en Russie, soit peut être imputée à des entités identifiées comme pro-Kremlin". Un mois plus tôt, des responsables américains avaient dit à l'AFP avoir identifié des milliers de comptes liés à la Russie sur Twitter, Facebook et Instagram, agissant de la même manière.

Chaque fois, Moscou a dénoncé des accusations "fausses", "gratuites", "infondées".

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