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Merkel menacée par un conflit gouvernemental sur les migrants

Angela Merkel joue son avenir politique en Allemagne à la suite d'une fronde sans précédent jeudi sur la politique migratoire de l'aile la plus à droite de sa coalition gouvernementale, qui réclame plus de fermeté aux frontières.

Le bras de fer oppose deux partis frères sur le papier, mais en conflit quasi-permanent depuis l'arrivée de plus d'un million de demandeurs d'asile dans le pays en 2015 et 2016 : les démocrates-chrétiens (CDU) de la chancelière, au pouvoir depuis plus de 12 ans, et le mouvement bavarois CSU, nettement plus à droite, du ministre de l'Intérieur Horst Seehofer.

La CSU a déclenché cette semaine une offensive pour contraindre Angela Merkel à durcir sa politique migratoire, dans un contexte européen très tendu sur le sujet.

M. Seehofer veut refouler à la frontière les demandeurs d'asile arrivant en Allemagne s'ils ont été enregistrés par un autre pays dans la base de données de l'UE.

Mme Merkel a bloqué le projet et plaide pour une solution européenne globale.

- Ultimatum ? -

"A titre personnel, je pense que l'immigration illégale est l'un des plus grands défis de l'Union européenne et c'est pourquoi je pense que nous ne devons pas agir de façon unilatérale, sans concertation, ni agir au détriment de pays tiers", a expliqué en début de soirée la chancelière.

Elle demande à son camp du temps pour négocier des solutions à la fois européennes et bilatérales, avec les principaux pays d'accueil comme l'Italie et la Grèce, au prochain sommet de l'UE fin juin.

Si la direction de son parti lui a donné son blanc-seing jeudi, la CSU bavaroise lui a, quant à elle, opposé une fin de non-recevoir et entend placer les intérêts nationaux avant ceux de l'Europe.

Le parti bavarois a adressé ce qui ressemble fort à un ultimatum à la chancelière : si rien n'est fait dans les prochains jours, le ministre de l'Intérieur passera outre Angela Merkel et imposera à partir de lundi son plan de refoulement aux frontières par décret.

"C'est bien l'objectif et ce serait un signe de crédibilité" de la volonté du gouvernement d'agir contre l'immigration illégale, a dit jeudi soir sur la chaîne de télévision ZDF un des chefs de file de la CSU, Markus Söder.

Une telle mutinerie signerait la fin de la coalition gouvernementale difficilement mise sur pied en mars et comptant également les sociaux-démocrates.

"Le conflit avec Seehofer pousse Merkel vers la fin de son mandat de chancelière", estime le quotidien Süddeutsche Zeitung, parlant de "déchirements" inédits au sein du mouvement conservateur allemand.

On en est pas encore là. Mais ce bras de fer intervient dans un contexte pré-électoral chargé.

Le parti bavarois se prépare à un scrutin régional en octobre et s'inquiète d'une percée de l'extrême droite (AfD) qui a obtenu un score historique aux législatives de septembre en capitalisant sur les inquiétudes liées à l'immigration.

La CSU agite aussi la menace d'une rupture de l'alliance au Bundestag scellée en 1949 avec les chrétiens-démocrates d'Angela Merkel. Les deux partis siègent au sein d'un groupe parlementaire commun à la chambre basse du Parlement.

- Question de confiance -

La crise est telle que certains médias évoquent un vote de confiance au Bundestag trois mois à peine après que le 4e gouvernement Merkel, fruit de six mois de pourparlers aux forceps, a pris ses fonctions.

Un exercice périlleux : même soutenue par les sociaux-démocrates, Mme Merkel n'aurait plus de majorité gouvernementale sans la CSU.

M. Seehofer a aussi isolé mercredi Mme Merkel en affichant sa complicité avec le très conservateur chancelier autrichien Sebastian Kurz qui annonçait la création d'un "axe" à trois avec le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini (extrême droite) pour combattre l'immigration clandestine.

Le conflit sur l'immigration au sein du camp conservateur allemand, face à la politique généreuse d'Angela Merkel, est lancinant depuis des mois. Mais il n'avait jamais pris une telle ampleur.

Le climat général dans l'opinion a en outre été exacerbé fin mai-début juin par le viol et l'assassinat d'une adolescente par un jeune demandeur d'asile irakien, arrivé en 2015. Débouté, il n'avait jamais été expulsé.

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